Non, notre démocratie n’est pas parfaite. Malgré sa devise, la République se fait régulièrement condamner – et à raison – sur son incapacité à respecter les droits élémentaires des prisonniers ou des migrants. Avec l’abstention et le vote populiste, qui sont désormais à des niveaux tristement élevés, la « fatigue démocratique » est un symptôme bien repéré de la maladie qui ronge notre pays.
Les attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan, au Stade de France et sur les terrasses, auraient pu faire naître les pires sentiments de haine et de vengeance et entraîner des procédures expéditives et exceptionnelles pour châtier les responsables encore en vie. On le sait, après le 11 septembre 2001, les Américains n’ont pas hésité à faire sortir du droit commun les inculpés en les enfermant sur la sinistre base de Guantánamo, où des atteintes aux droits humains, dont des actes de torture, ont été depuis dénoncées.
Oui, les institutions de notre pays se sont honorées de ne rien céder ni sur les formes ni sur le temps que requiert la justice dans une démocratie. Une défense a été donnée même à ceux que l’opinion et le sens commun avaient déjà condamnés depuis longtemps. Au terme de débats de plusieurs mois, ensablés plusieurs fois dans les restrictions imposées par le contexte sanitaire, la cour d’assises spéciale de Paris a rendu, mercredi 29 juin dernier, un verdict qui, pour les analystes et une grande partie des associations de victimes, est certes ferme mais globalement équilibré.
La durée des débats, la place donnée aux éléments d’explication des accusés, le long défilé des 397 parties civiles racontant à la barre l’événement et ses conséquences encore vives aujourd’hui pouvaient paraître bien inutiles tant la gravité des actes était évidente. Mais la justice est un formalisme qui, s’il ne répare pas totalement, pose un cadre logique qui construit un avant et un après ; et offre la possibilité d’un nouveau départ.
Après le massacre d’Utøya, perpétré par le terroriste suprémaciste Breivik en 2011, le Premier ministre de Norvège, Jens Stoltenberg, avait déclaré : « Vous ne détruirez pas la démocratie […] Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie. » Si, à l’avenir, d’autres actes de terrorisme advenaient, espérons que nous parviendrions à nous en tenir à cette ligne, qui allie justice et humanité pour les victimes comme pour les coupables.
Anthony Favier
Photo : xiquinhosilva from Cacau, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons