« Il n’y a pas de roi à l’Élysée » a rappelé Emmanuel Macron en raillant « la superstition républicaine » de ne pas mettre de fève dans la galette présidentielle. En tout cas, il semble, si l’on en juge par le panégyrique diffusé par la présidence de la République à l’occasion du décès du pape émérite Benoît, seizième du nom et ci-devant Josef Ratzinger, qu’il y ait toujours un chanoine au Palais : le « premier et unique chanoine honoraire » de l’église romaine de Saint-Jean-de-Latran, titre attribué aux rois de France, puis aux présidents de la République, et ce depuis Henri IV, mais tombé en désuétude jusqu’à ce qu’il soit remis à l’honneur par René Coty.
Nicolas Sarkozy avait profité de la réception de son titre pour se faire l’apôtre de la « laïcité positive », saluée comme telle par le communiqué de l’Élysée et à la construction de laquelle, « loin de rechercher la fusion de l’État et de l’Église », Josef Ratzinger aurait contribué, en rappelant « l’importance d’une distinction du religieux et du politique, dont l’indépendance mutuelle n’implique pas indifférence, mais dialogue » ; et ce non seulement comme pape mais aussi comme ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi – l’héritière de l’Inquisition « romaine et universelle » – auprès de Jean Paul II.
Car ce qu’encense surtout le communiqué élyséen dans l’œuvre de l’ancien gardien du temple du dogme catholique, c’est que « durant les vingt-quatre ans qu’il passa à sa tête, puis pendant ses huit années de pontificat, il ne cessa d’approfondir le mystère de la foi chrétienne, bâtit des digues face aux courants progressistes et consolida la tradition de l’Église en matière de liturgie, de célibat des prêtres ou de bioéthique ». On se demande ce qui a pu conduire la présidence d’une République laïque à prendre ainsi parti dans les débats internes à une Église particulière, fut-elle catholique, et à renvoyer dans la même géhenne tant les cathos libéraux que les partisans sourcilleux de la neutralité de l’État.
La réponse est sans doute dans un autre passage du communiqué nécrologique qui souligne la « réputation paradoxale » d’un prélat d’abord « considéré comme un réformiste » puis « si souvent qualifié plus tard de conservateur », qui « sans doute méritait les deux étiquettes à la fois » – traduire « en même temps » – et dont le « réformisme avait une visée conservatrice ». « Tout changer pour ne rien changer » aurait ajouté Tancrède dans Le Guépard. Ou, en latin de cuisine ecclésiastique, sic… transit macroniani oxymori.
Daniel Joussan
* « Ainsi passe la gloire du monde », locution prononcée autrefois devant le nouveau pape pour lui rappeler qu’il n’était qu’un homme et qu’il devait se garder de tout orgueil ou vanité.
Photo : Sergey Kozhukhov, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons