À un mois du premier tour de l’élection présidentielle, des dizaines de milliers de Français sont descendus dans la rue, samedi 12 mars, pour tenter de remettre l’écologie et la protection de l’environnement, négligées par les candidats, au cœur de la campagne. Selon une estimation réalisée par le collectif L’Affaire du siècle, ces enjeux représenteraient moins de 3 % du débat politique…
Parmi les nombreux défis à relever, celui des modes de production agricole occupe sans doute la première place. En France, l’agriculture est le troisième secteur responsable d’émissions de gaz à effet de serre. Dans ses 149 propositions, la Convention citoyenne pour le climat (octobre 2019-juin 2020) avait donné comme objectif 50 % d’exploitations en agroécologie en 2040. Pour contrer la multiplication des fermes usines, la Convention proposait aussi d’interdire le financement de nouveaux élevages ne respectant pas les principes de l’agroécologie et de restaurer l’aide au maintien de l’agriculture biologique. Des dispositions que le gouvernement d’Emmanuel Macron n’a pas voulu reprendre.
Et pourtant, l’urgence est là. « La vitesse du changement climatique est supérieure à la vitesse des transitions engagées », prévient Olivier Nouaillas, journaliste spécialisé dans les questions d’environnement, qui a publié Le Changement climatique pour les nuls (First Éditions, 2014). Une chose est sûre : la réponse aux défis qui nous sont lancés ne se trouve pas seulement dans la politique hexagonale. Quelle que soit la personne élue à la présidence, la France va devoir faire pression auprès de ses partenaires européens pour renégocier la fameuse Politique agricole commune – la Pac –, qui représente plus d’un tiers du budget total de l’Union européenne.
Cette politique commune modèle notre agriculture, conditionne notre souveraineté alimentaire et détermine largement le revenu des paysans. Pour toutes ces raisons, elle représente le levier – ou le frein – essentiel des mutations agricoles. Depuis 1993, toutes les versions de la Pac – elle est revisitée tous les sept ans – ont entériné des logiques agricoles qui conduisent à des désastres économiques et sociaux.
Les premières victimes en sont les agriculteurs – dont le nombre ne cesse de décroître. En effet, la Pac est fondée sur des aides à l’hectare. Les agriculteurs sont donc poussés à « se bouffer » entre eux, c’est un cercle vicieux ! Et cela bloque l’installation de nouveaux paysans car la pression sur le foncier est trop importante. Ceci a aussi des effets néfastes sur l’environnement car plus une exploitation est grande, plus il faut d’engrais, de pesticides et de pétrole pour la maintenir. La prochaine présidence de la République saura-t-elle résister aux lobbys agrochimique et agroalimentaire, principaux bénéficiaires de cette agriculture productiviste ?
Laurent Grzybowski