De droite ou de gauche, de Valérie Pécresse – pour qui « Marianne n’est pas une femme voilée » (meeting du Zénith du 13 février) – à Manuel Valls en son temps, nos politiques aiment à rappeler que la République française est représentée sous les traits d’une femme. La voici donc, incarnant la France éternelle, nouvelle Jeanne d’Arc prête à bouter hors de France celles qui feraient de la résistance au bikini et aux cheveux au vent. Mais n’est-ce pas utiliser Marianne à contre-emploi que d’user de son image pour discriminer certaines femmes qui se couvriraient le corps ou le chef ! Après tout, Marianne, quoique souvent le sein à l’air, couvre sa chevelure d’un bonnet, elle.
Rappelons d’abord que Marianne a été historiquement aussi bien une allégorie de la République que de la Liberté. Au gré des différents régimes des XIXe et XXe siècles, le cœur de Marianne a balancé. Vertueusement couverte, cheveux attachés sous un bonnet phrygien, profil de médaille, elle fut une fière colonisatrice. Sein offert, cheveux au vent, guidant le peuple en haut des barricades, elle a été aussi une farouche combattante. De fait, Marianne n’est pas la figure des femmes françaises mais de tous et toutes, et ainsi des errances, des victoires et des tragédies de la France. Et c’est bien pour cela que son buste orne nos mairies. D’ailleurs, si Marianne avait été exclusivement la représentante des femmes, en pleine capacité de leurs moyens intellectuels, combattantes et nourricières à la fois, les citoyennes françaises auraient obtenu le droit de vote bien avant 1944 !
Si, pourtant, chers candidats et candidates à la présidentielle, vous voulez utiliser Marianne comme symbole des femmes françaises, républicaines et libres, alors voici quelques suggestions plus urgentes que son vestiaire. Prenez des engagements pour que « Marianne » puisse : se présenter dans un commissariat pour rapporter une agression sexuelle sans se faire traiter de « pute » ; prétendre à un travail dont la rémunération est égale à celle attribuée à un homologue masculin ; être en sécurité dans les lieux publics sans se faire coller une main aux fesses, se faire siffler ou insulter ; accéder à des soins gynécologiques, y compris l’IVG et la PMA dans les meilleures conditions. Songez aussi à mettre en place de vrais programmes éducatifs qui déconstruisent les stéréotypes de genre et de sexualité. Et, tant qu’à faire, évitez de nommer des ministres qui seraient sous le coup d’enquêtes judiciaires pour agression sexuelle. Alors, Marianne sera digne de la France et la France digne de Marianne !
Luna Vernassal