Depuis 2016, une salle de consommation de drogue à moindre risque destinée aux toxicomanes, trivialement appelée « salle de shoot », se niche entre les stations Gare-du-Nord et Barbès-Rochechouart, au pied de l’hôpital Lariboisière à Paris. Les documentaristes Cécile Dumas et Edie Laconi ont filmé les habitués de ce lieu dans Ici je vais pas mourir. Pour ces accros aux drogues, c’est un ultime refuge.
« Grâce à eux, confie une jeune femme de 24 ans en parlant des travailleurs sociaux, j’ai décidé de faire une cure. » Elle a passé, en entrant pour la première fois dans la salle, un interrogatoire serré avec l’une des soignantes. Aucune morale, le but est de bien cerner les addictions, pour mieux les démonter si c’est possible. Ne pas sevrer non plus, ce n’est pas le but, mais suivre et conseiller, comme pour cette jeune femme qui veut s’en sortir. « C’est tout de même mieux ici, dit l’un d’eux, que de se piquer dans un parking, ou de mettre un temps fou pour trouver un endroit à l’abri des regards. » Il n’empêche que l’objectif final pour tous, on le sent bien, est de se débarrasser de la drogue qui empoisonne leur vie depuis si longtemps.
On le voit dans le documentaire, il y a des visages fatigués, des yeux qui expriment une grande tristesse, des corps épuisés, l’usure prématurée de la vie. Certains fanfaronnent devant la caméra. D’autres sont des bavards masquant mal une vraie détresse. Celui-là regrette de ne plus voir son fils. Un autre de n’avoir pas eu d’enfants. Parfois, ils ont fait de la prison et leur famille les a lâchés. Et l’espoir, malgré tout, demeure. « Le rêve, c’est de ne plus rien prendre, plus de pilule de substitution. Ça m’est arrivé. C’était la belle vie », dit un habitué de la salle.
Au début du film, les cinéastes montrent, avant de s’enfermer à l’intérieur et de n’en plus sortir, des pancartes sur les balcons des immeubles alentour : « Non à la salle de shoot ». C’est dire que l’initiative courageuse de la mairie du 10e arrondissement de Paris n’est pas du goût de tout le monde. D’ailleurs, il n’existe pour l’instant que deux salles en France, à Paris et à Strasbourg. D’autres devraient ouvrir prochainement. Quand on voit le travail effectué ici, on ne peut que le souhaiter.
François Quenin
Ici je vais pas mourir, de Cécile Dumas et Edie Laconi, 1 h 10, en salle.