« Au Nord, c’étaient les corons… », chantait Pierre Bachelet. Loos-en-Gohelle, une commune de 6 800 habitants, jouxtant la ville de Lens, garde les traces de cette période industrielle. Quand on arrive, impossible de rater les terrils les plus hauts d’Europe… Ces pyramides noires témoignent du passé minier de la ville. Le maire, Jean-François Caron, en a fait une fierté, prenant la tête du combat pour faire classer l’ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais au patrimoine mondial de l’Unesco.
C’est dans les pas de son père Marcel (PS) que Jean-François Caron a pris la mairie en mars 2001. Mais avec une étiquette verte, cette fois. Avec 20 % de la population de Loos vivant sous le seuil de pauvreté et 15 % de chômeurs, l’élection d’un maire écologiste pouvait sembler improbable. Mais ses convictions chevillées au corps ont séduit. « Il faut reconstruire l’action collective et redonner du sens, alors que le politique a démontré son impuissance depuis 30 ans, explique le maire. Notre ancien modèle de développement est mort. Notre reconstruction passe par les territoires. Les réponses innovantes viendront du local, car le local permet des désobéissances. Une innovation, c’est une désobéissance qui a réussi. Il y a des réponses autoritaires avec le Rassemblement national, comme à Hénin-Beaumont, et des réponses démocratiques avec la recherche d’une transition apaisée et l’implication des habitants dans la recherche des solutions. Les gens entrent habitants et en sortent citoyens. » Son credo : « C’est dans l’action que l’on change et c’est quand on entre dans une expérience de transformation que l’on sort transformé. » À Loos-en-Gohelle, l’implication des habitants dans l’ensemble des projets de la commune est la règle d’or. Tout est en co-construction : les routes, les parcs, les aménagements, les projets culturels… « D’abord, il y a la reconnaissance des gens. Les citoyens ont besoin d’être reconnus, pas d’être des spectateurs. Ensuite, cela améliore les projets car les bénéficiaires ont une expertise d’usage. Si un habitant a une idée, un projet, on réfléchit ensemble pour le réaliser », explique Océane Ten, la chargée de mission citoyenneté. L’idée est d’arriver à un « fifty-fifty » : un projet où la mairie et les bénéficiaires apportent chacun quelque chose.
La commune est devenue un modèle de transition écologique. Le zéro phyto, pas de pesticides chimiques dans l’entretien de la commune, a été atteint bien avant que la loi ne l’impose. La commune a encouragé le développement de l’agriculture biologique. « Nous avons récupéré 7 hectares de terres agricoles, explique Pierre Damageux, l’adjoint à l’urbanisme et à la ruralité, et lui-même agriculteur, et les avons proposés à des agriculteurs à condition qu’ils les cultivent en bio et passent aussi un équivalent de leur terre en bio. Et finalement ce sont 18 hectares qui ont ainsi été cultivés en bio. » Cela a donné en 2011 le projet Vital, ville en transition alimentaire. Il est désormais porté par l’agglomération lensoise. Et plusieurs agriculteurs ont reconverti l’intégralité de leur exploitation en bio. Des maisons de mines en brique rouge ont été rénovées en suivant des critères « haute qualité environnementale » (HQE). Dans l’habitat social, les nouvelles constructions ou réhabilitations doivent se faire sans chauffage électrique depuis 20 ans. Les factures d’électricité ont été divisées par dix ! La municipalité veut faire de Loos la première ville de France 100 % solaire. Après l’église, c’est au tour des bâtiments communaux d’être équipés de panneaux photovoltaïques. Et un plan solaire citoyen a été lancé. Une société anonyme, « Mine de soleil », est en cours de création. Les actionnaires sont une entreprise, le conseil régional, la ville et plus de 100 citoyens. L’objectif est de développer le photovoltaïque chez les particuliers et, ensuite, dans la région.
Et les Loossois sont convaincus. Aux dernières élections, Jean-François Caron a été réélu avec 100 % des voix ! Un score soviétique qui s’explique par le fait qu’il n’y avait personne contre lui. Plus de 55 % des inscrits se sont déplacés pour voter alors qu’il n’y avait aucun enjeu. Pourtant, aux élections nationales, le Rassemblement national fait des scores très importants : au second tour de l’élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen a recueilli quasiment 57 % des voix ! « Mais c’est 15 points de moins que dans les communes alentour », nuance le maire.
En mars, Jean-François Caron sera de nouveau le seul candidat à sa succession, le RN échouant, une fois encore, à réunir une liste. Il a déjà annoncé qu’il passerait la main à son premier adjoint à mi-mandat. « Je veux partager mon expérience et avoir davantage de temps pour me consacrer aux questions de transition écologique à une plus grande échelle. » Son énergie (verte) reste intacte.
Jacques Duplessy