À l’aube d’un deuxième confinement européen, l’Union européenne, comme les exécutifs nationaux, court encore le risque, tel Fabrice del Dongo – personnage de La Chartreuse de Parme – à Waterloo, de n’être pas tout à fait au bon endroit au bon moment… Waterloo, nous y sommes presque, avec la moitié des pays européens ayant connu un nombre record d’hospitalisations au cours de la dernière semaine d’octobre. Pire, le nombre de cas enregistrés y aura bondi de 40 % sur sept jours, pour représenter la moitié des cas signalés dans le monde ! Souci majeur, l’exécutif européen se doit d’être présent sur un triple front. Digérer l’expérience du premier confinement, agir dans l’urgence d’une deuxième vague, tout en préparant des lendemains meilleurs…
Pour ce qui est de la première vague, l’office statistique européen vient de publier les premiers résultats expérimentaux mesurant l’impact du coronavirus sur les travailleurs en Europe. Cette première analyse tente d’évaluer les risques et la vulnérabilité des différentes catégories de travailleurs. C’est-à-dire la probabilité de perdre son emploi, de subir un chômage temporaire ou de se voir imposer une réduction des heures de travail. Sans surprise, les travailleurs à faible revenu ont présenté des risques plus élevés d’être mis provisoirement sur la touche ou de perdre leur emploi. C’est également le cas des travailleurs en dessous du seuil de pauvreté, qui se sont retrouvés à risque dans un grand nombre de pays. C’est encore plus vrai dans des pays comme Chypre, l’Espagne, l’Italie, l’Irlande…
Un avertissement donc, le social doit être au cœur des urgences de la deuxième vague. Or, la Commission européenne a justement annoncé, mercredi 21 octobre, avoir levé son premier emprunt sur les marchés financiers, soit 17 milliards d’euros, pour financer le programme SURE. Il s’agit d’une assistance financière de 100 milliards d’euros, sous forme de prêts, pour aider les États membres à faire face à l’augmentation soudaine de leurs dépenses publiques, destinée à préserver l’emploi. Il s’agit principalement des coûts directement liés à la création ou à l’extension de dispositifs nationaux de chômage partiel ou assimilé. Les obligations émises ont d’ailleurs été sursouscrites plus de treize fois ! « Nous avons fait un pas de plus vers le rapprochement des fonds de ces instruments avec les personnes qui en ont besoin », a déclaré le commissaire européen au Budget.
Par ailleurs, à l’heure où le continent européen redevient l’épicentre de la pandémie, les vingt-sept dirigeants de l’UE se sont réunis en vidéoconférence le 29 octobre pour mieux coordonner leurs efforts de lutte contre le virus. « La propagation du virus submergera nos systèmes de santé si nous n’agissons pas d’urgence », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Parmi les nouvelles initiatives du moment, l’UE lancera une plate-forme qui réunira les spécialistes conseillant chaque gouvernement national et les experts qui la conseillent directement. En outre, une « porte d’entrée européenne » sera créée pour faire dialoguer les applications de traçage lancées dans les États membres. Vingt-deux pays en disposent et 50 millions d’Européens en ont déjà téléchargé une… mais cela n’a pas suffi. « Nous avons besoin d’une couverture générale dans l’ensemble de l’Union », a déclaré Ursula von der Leyen.
Enfin, il est une chose qui ne trompe pas. Les seules réunions encore « en présentiel » à Bruxelles concernent l’avenir ! Plus précisément, la finalisation du plan de relance post-Covid et du budget européen des sept prochaines années. Il faut impérativement obtenir l’aval des parlementaires européens. Ceux-ci formulent deux reproches majeurs à l’accord politique conclu en juillet dernier par les vingt-sept sur un emprunt de 700 milliards et sur le prochain septennat budgétaire. Premièrement, des budgets stratégiques, comme ceux de la santé ou de l’innovation, ont été réduits sous la pression des États dits « frugaux ». Secundo, quid de l’accès des États illibéraux, comme la Hongrie et la Pologne, à la « manne européenne » ?
Hier, aujourd’hui, demain et même… après-demain, avec la grève de la faim annoncée par le député français Pierre Larrouturou, inquiet, à raison, de ce que les Européens soient incapables de mettre en œuvre les outils fiscaux – taxe sur les transactions financières, taxe Gafa – pour payer leur dette. D’ici là, Ursula von der Leyen se préoccupe de réserver les vaccins et d’en définir les protocoles d’accès…
Henri Lastenouse