Tarik Saleh a réalisé avec La Conspiration du Caire un fascinant thriller politique. L’intrigue démarre dans un petit village. Adam, aîné d’une famille de pêcheurs, est distingué pour son intelligence par l’imam de l’endroit et obtient une bourse pour étudier à la prestigieuse université al-Azhar du Caire. Adam arrive au moment de la mort du Grand Imam. Par une série de hasards qui n’en sont pas, il va devoir espionner, sur demande de la Sécurité de l’État, les Frères musulmans, qui tentent d’imposer leur candidat à sa succession à la tête d’al-Azhar. C’est la lecture du Nom de la Rose, le thriller médiéval d’Umberto Eco, dont l’action se situe dans un monastère, qui a convaincu Tarik Saleh de tenter une histoire semblable dans un contexte musulman contemporain. Il n’était pas possible pour ce cinéaste suédois d’origine égyptienne de tourner en Égypte : en 2015, trois jours avant le début du tournage de son film précédent, Le Caire confidentiel, les services de sécurité égyptiens lui avaient ordonné de quitter le pays. Il a donc choisi pour La Conspiration du Caire la mosquée Süleymaniye d’Istanbul, magnifique bâtiment du XVIe siècle.
Le cinéaste s’est souvenu que son grand-père, né dans un petit village du Delta du Nil, avait été admis à l’université al-Azhar, à l’époque la plus prestigieuse université d’Afrique et du Moyen-Orient. Aujourd’hui, elle rassemble des milliers d’étudiants et de professeurs. Le Grand Imam, celui qui vient de mourir dans le film, est l’équivalent du pape chez les catholiques : c’est la plus haute autorité de l’islam sunnite. Quand Adam arrive à l’université, un conseil de vingt-sept oulémas doit élire son successeur. De l’autre côté de la rue – c’est ainsi dans la réalité – se trouve le siège de la Sûreté de l’État. Son directeur explique aux officiers : « Le Grand Imam est mort et nous devons nous assurer que celui qui va le remplacer partage nos idées. » De fait, les Frères musulmans ont infiltré le Conseil. Et c’est ainsi que le jeune Adam se trouve au cœur de ce maelström politique et religieux. Ce très beau film, prix du scénario au dernier Festival de Cannes, raconte une histoire d’aujourd’hui : comment le pouvoir laïc maintient en lisière les religieux radicaux.
François QUENIN
La Conspiration du Caire, de Tarik Saleh, 1 h 59, en salle.