Évangile de Jean 13, 31-35
Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt. Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
Apocalypse de Jean 21, 1-5a
Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. »
Espérance, tu nous tiens !
Mais que s’est-il donc passé dans l’Empire romain, au fin fond de la Palestine, sous l’empereur Tibère ? Quel était donc le message de ce Jésus de Nazareth ? Qu’est ce qui a bien pu transporter femmes et hommes de l’époque pour en faire d’ardent·e·s apôtres missionnaires de cet ordre nouveau où il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme (Ga 3, 28). Appelés à vivre dans l’égalité, l’amour, la solidarité et le partage des richesses, ces disciples du Christ ont dérangé les mœurs de leur société ouvertement inégalitaire. Persécuté·e·s, ils étaient habité·e·s par une force incroyable qu’ils appelaient l’Esprit Saint. Ils disaient obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Ac 5). Comme Paul et Barnabé, ils et elles parcouraient le pourtour de la Méditerranée avec un seul désir : transmettre les enseignements de Jésus et annoncer le Royaume.
Le passage de l’Apocalypse ci-dessus appartient aussi à cet espoir d’un Dieu fort qui installe sa gloire et sa souveraineté sur les nations pour qu’arrive enfin ce Royaume où « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux et la mort ne sera plus, il n’y aura plus ni deuil, ni cri ni douleur » (Ap 21, 4).
Enfin, l’évangile du jour concentre en quelques phrases le cœur de ce message si révolutionnaire… Ainsi Jésus demande à ses proches, femmes et hommes, réunis autour du repas du seder Pessah, de s’aimer les uns les autres comme il les a aimé·e·s. Mais encore ? Comment Jésus a-t-il aimé ceux qu’il a croisés ? On peut déjà retenir une attitude de service. Ainsi la scène du lavement des pieds (Jn 13) montre l’exemple du maître au service des siens dans la tenue humble du serviteur. Proximité, entraide et simplicité semblent être de mise. Ensuite, Jésus s’est montré à l’écoute que ce soit de la Samaritaine (Jn 4), de la Syrophénicienne (Mc 7), de Nicodème (Jn 3) ou du centurion (Mt 8). Il permet également aux exclus de retrouver une place dans la communauté en guérissant la femme hémorroïsse (Lc 8) ou les lépreux. Il redonne aussi un statut et une vie digne aux malades en guérissant la belle-mère de Simon (Mc 1), les paralysés, les sourds ou les aveugles. Plus loin, il dit qu’il n’est pas venu appeler des justes à la repentance mais des pécheurs (Lc 5). Ainsi nul ne serait exclu de la grâce. Il appelle à la souplesse et la compassion en s’opposant aux lois rigides et injustes qui, par exemple, condamnent la femme adultère mais autorisent les hommes à répudier leurs femmes. Il interpelle sur le rôle des règlements : « Le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat », dit-il (Mc 2). Toute la vie de Jésus est au service, dans l’écoute, la tolérance, l’accueil et l’amour de l’autre. Aucune contrepartie n’est demandée, il n’y a pas d’emprise mais une volonté de libérer et de soutenir.
Il y a maintenant deux mille ans que ce message germe et les graines du Royaume ont poussé. Elles poussent encore pour ceux et celles qui voient avec les yeux du cœur. Peut-être vont-elles devenir de grands arbres où les oiseaux pourront venir s’abriter (Mt 13) ? Espérance, quand tu nous tiens… !
Anne-Joëlle Philippart
Photo : Ryk Neethling (CC BY 2.0)