Évangile de Matthieu 5, 13-16
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
Une parole qui redonne confiance
Quel proche est capable de nous dire des mots aussi puissants, qui nous rassurent et nous élèvent tout à la fois ? Par ces paroles, Jésus témoigne de la force de son amour bien au-delà de l’amour humain que nous essayons de nous offrir les uns les autres, un amour comme une confiance et non une injonction, un amour comme une invitation à offrir au monde le meilleur de nous-mêmes. Mais le Seigneur ne nous ordonne pas d’avoir du goût, il ne nous ordonne pas de briller. Il sait et nous révèle que nous avons du goût et que la lumière est en nous. Jésus nous enseigne plutôt que notre saveur personnelle peut révéler et préserver les qualités de nos semblables, tel le sel rehausse un plat et en conserve les vertus. Il nous enseigne que notre lumière intérieure sera pour nos proches un témoignage vivant et inspirant, telle la lampe sur le lampadaire qui éclaire la maison.
Ce passage de l’Évangile selon Matthieu résonne comme un exemple de psychologie positive. Cette discipline consiste à étudier les effets bénéfiques des émotions dites « positives », pour permettre à l’humain de se développer, progresser, se sentir plus heureux et participer à l’épanouissement de son entourage. La psychologie positive en entreprise a développé un concept puissant inspiré de la botanique : l’« héliotropie », mot qui définit la tendance naturelle des êtres vivants à se tourner (trope) vers une source de lumière (hélios) pour croître et se développer. En psychologie des organisations, le « leadership héliotropique » est la capacité de certaines personnes – pas forcément dirigeantes ! – à inspirer et nourrir leur entourage en énergie positive. Les études ont prouvé que les personnes qui travaillent au contact de ces stimulants positifs se sentent plus motivées, plus confiantes ; on constate moins d’arrêts de travail, moins de maladies, une plus grande cohésion d’équipe, plus d’émotions positives, plus de bienveillance et de gratitude dans les échanges, plus de créativité.
Deux mille ans avant que la psychologie ne s’intéresse à cette part lumineuse de l’humain qu’elle a longtemps négligée, le Christ nous invite à voir en nous le sel et la lumière, et à cultiver pour nous et nos prochains notre saveur et notre éclat. Il ne s’agit pas ici d’une injonction individualiste et culpabilisatrice, de type développement personnel : « Soyez heureux ! Soyez forts ! Soyez puissants ! » Il s’agit d’une confiance , celle que le Seigneur place en nous – « Vous êtes le sel de la terre. » – et de la responsabilité que cette découverte sur nous-mêmes implique, celle de ne pas nous laisser affadir au risque de perdre notre saveur et nos qualités. Cette révélation de nous-mêmes à nous-mêmes est collective : nous sommes, toutes et tous, la lumière du monde. Le Seigneur dans son amour et sa générosité a placé en nous une lumière si puissante qu’elle mérite d’être exposée, non pour notre gloire personnelle et notre narcissisme individuel, mais parce que telle est notre mission collective pendant notre passage sur terre : nous devons éclairer nos semblables par la bonté de nos actes et ainsi témoigner de notre foi et de l’amour de Dieu – « Alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
Que ce passage de l’Évangile puisse nous inspirer au quotidien et nous aider à reconnaître, en nous et dans les autres, la part de lumière, la part de sel : les qualités cachées qui font notre saveur et notre unicité dans le cœur de Dieu et qu’il nous invite à mettre au service de nos sœurs et de nos frères.
Claire Conan-Vrinat