Évangile de Luc 10, 1-9
Après cela, le Seigneur en désigna soixante-douze autres et les envoya devant lui, deux à deux, dans toute ville et en tout lieu où lui-même devait se rendre. Il leur disait : « La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Que la paix soit sur cette maison !” Et s’il se trouve là un enfant de paix, votre paix reposera sur lui ; sinon, elle reviendra à vous. Demeurez dans cette maison-là, mangez et buvez ce qu’on vous donnera, car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où l’on vous accueillera, mangez ce qu’on vous offrira, prenez soin des malades qui s’y trouveront, et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.” »
Une Bonne Nouvelle toute simple
La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers. » Voilà donc une réflexion, un cri du cœur qui trouve quelques échos dans nos communautés actuelles et, j’ai presque envie de dire, dans toutes les Églises. Alors qu’on imagine une réflexion plutôt moderne, en lien avec le recul du religieux et la crise des vocations, lire ces mots dans les Évangiles permet de relativiser quelque peu les choses : le sujet est vieux d’au moins deux mille ans. Dans ce passage qui se situe bien avant le récit de la résurrection, Jésus désigne soixante-douze « autres », c’est-à-dire soixante-douze personnes qui ne sont pas les fameux apôtres. Pourquoi un tel nombre ? Sans doute en référence au chiffre qui, dans l’Ancien Testament, fait référence à l’ensemble des peuples de la terre telle que connue à l’époque, et qui deviendront par la suite les Nations. Cela ferait donc une personne par peuple de la terre envoyée à travers le monde. Il y avait bien de quoi se dire déjà « La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers », et pourtant, même avec une telle organisation, ô combien restreinte, la nouvelle s’est répandue aux quatre coins du monde !
Le message des soixante-douze ne contenait pourtant même pas l’annonce de la résurrection ! Leur mission était de vivre dans et avec le monde, partager le quotidien avec celles et ceux qui voudraient bien ouvrir leur maison et leur table, prendre soin des malades et déclarer à qui voudrait bien les accueillir : « Que la paix soit sur votre maison » et « Le Royaume de Dieu s’est approché ». Voici une mission bien loin d’une exclusivité cléricale ou ecclésiale, bien loin des grands discours dogmatiques ou des démonstrations liturgiques. On y découvre une simplicité incroyable de l’annonce du Royaume de Dieu, cet espace et ce temps où toute personne est reconnue pour tout ce qu’elle est, telle qu’elle est, aimée et considérée. Cet espace où les échanges sont justes, empreints d’entraide, de paix et de cette confiance et assurance que tout ira bien dans le sens de la vie. Cet espace existe bel et bien et à certains moments de notre vie quotidienne, il n’est plus si lointain que cela : il est tout juste là, il s’approche.
Je crains qu’au fil des siècles nous ayons bien compliqué les choses et rendu le message bien trop complexe, autant à annoncer qu’à transmettre. Je crains qu’au fil des siècles nous ne nous soyons un peu trop pris pour les propriétaires de la Paix de Dieu et un peu trop persuadés qu’une institution avait le pouvoir de créer, par elle-même, des enfants de paix.
Et si nous retournions à cette simplicité du partage quotidien ? Et si annoncer l’Évangile commençait d’abord par l’attention quotidienne pour celles et ceux que nous rencontrons et le partage d’un repas ? Et si tout le reste n’était que secondaire ? À y réfléchir, la Bible, et les Évangiles en particulier, en sont pleins d’exemples ! Alors, chers amis, je n’ai plus qu’à vous souhaiter un bon et bel appétit !
Émeline Daudé
Photo : Bible par Ryk Neethling