Première lettre de Paul aux Corinthiens 1 Co 12, 12-27
Frères, prenons une comparaison : notre corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit. Le corps humain se compose non pas d’un seul, mais de plusieurs membres. […] Mais, dans le corps, Dieu a disposé les différents membres comme il l’a voulu. S’il n’y avait en tout qu’un seul membre, comment cela ferait-il un corps ? En fait, il y a plusieurs membres, et un seul corps. […] Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps.
L’unité du Ciel et de la Terre
Un triple préambule. Tout d’abord, dans le chapitre 11 de cette même Lettre de Paul, il est question du repas partagé, avec la mort et la résurrection de Jésus : « Car j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné ; c’est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâce, le rompit, et dit : “Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi.” » De plus, Paul n’a jamais lu les Évangiles, ni celui de Marc, ni ceux de Matthieu, Luc ou Jean. Il n’a jamais rencontré Jésus avec ses yeux, sa chair, mais dans la vision de sa foi. Enfin, dans les versets du chapitre 12, Paul, d’après le texte français retenu dans la liturgie, prend la précaution de prévenir qu’il s’agit là d’une « comparaison ». On peut penser aux paraboles racontées par Jésus : « Le royaume, c’est comme… »
Relisons aussi le magnifique passage de Paul aux chrétiens de la ville de Philippes (Philippiens 2, 1-11) : « Lui, Jésus, n’a rien retenu du rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est vidé de lui-même […] devenant semblable aux hommes […] jusqu’à la mort, du sein de laquelle Dieu l’a relevé et exalté […] » C’est là l’œuvre de résurrection du Christ qui donne à l’humanité la promesse d’être membre du corps, non pas seulement demain – qu’est-ce que « demain » ? – mais dès à présent, tous les jours depuis l’origine des temps et jusqu’à la fin du temps. « Mon corps et mon sang versé pour vous et pour la multitude : faites ceci en mémoire de moi », disons-nous au cœur du mystère de la foi.
Paul, très pédagogiquement, compare ici l’humanité au corps du Christ. Un corps formé par l’immensité des hommes ayant séjourné sur cette terre, qui y vivent encore ou y vivront demain : ils sont extraordinairement divers mais unis comme Dieu est un : telle est la foi chrétienne. L’unité mais aussi la division font partie intégrante de la nature, mais le Christ récapitule toutes choses, il est la tête du corps (Ep 4, 12-13) « pour parvenir à ne faire plus qu’un dans la foi et la connaissance de Dieu ». Il rassemble, il assemble les membres, tous les membres, et indique les fonctions – les charismes – de chacun, donnant le sens et l’harmonie à la vie et à l’action de tous. La part de l’homme dans cette construction du corps consiste à agir « afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres ».
Desmond Tutu, parlant de l’unité du corps social de l’Afrique du Sud, ne cessait de répéter : « Faites votre petite part de bien là où vous êtes. Ce sont ces petites parts de bien rassemblées qui transforment le monde. » Paul, dans le contexte de son époque, ne portait probablement pas comme priorité la question aujourd’hui primordiale à nos yeux de l’écologie. Serait-il inconvenant d’inclure dans la comparaison du corps l’ensemble non seulement de la planète Terre mais de l’Univers tout entier ? Une relecture des premiers chapitres de la Genèse en lien avec l’encyclique de François Laudato si’ pourrait élargir notre regard sur la grandeur et la gloire de Dieu qui habite notre univers. Le pape écrivait : « Il nous faut une nouvelle solidarité universelle […] les talents et l’implication de tous sont nécessaires pour réparer les dommages causés par les abus humains à l’encontre de la création de Dieu. »
Bernard Rivière