Le réalisateur de La Vie des autres, film bouleversant sur la République démocratique allemande des années 1980, Florian Henckel von Donnersmarck, élargit son horizon dans ce nouveau long-métrage, L’Œuvre sans auteur, tout aussi émouvant et tout aussi essentiel. L’intrigue démarre en 1937 à Dresde, dans l’Allemagne hitlérienne, pour s’achever vingt-cinq ans plus tard, au moment de la construction du mur de Berlin. Au cœur du scénario et d’une poignée de personnages qui vont traverser la tourmente des années de guerre et la glaciation stalinienne, deux figures, toutes deux nées à Dresde, s’imposent et se croisent sans cesse dans cette tragédie au long cours. D’abord Kurt Barnert, qui va devenir un grand artiste après la guerre, personnage inspiré de la vie et de l’œuvre du peintre contemporain Gerhard Richter. Et le professeur Carl Seeband, dont la vie et les « œuvres » font référence aux médecins apprentis sorciers du IIIe Reich. Gynécologue réputé, Seeband participe avec enthousiasme au programme d’euthanasie concernant les handicapés et les malades mentaux, en intégrant le corps d’élite des SS. Après la défaite, il réussit un temps à conserver son poste en copinant avec le nouveau pouvoir communiste. De son côté, au sortir de la guerre, l’artiste peintre Barnert n’en finit pas de fouiner dans le passé proche à la recherche d’une figure aimée de son enfance. Ayant commencé sa carrière à l’Est dans la défense et illustration du réalisme socialiste, le peintre change de cap en passant à l’Ouest et invente une forme hyperréaliste de peinture avec des photos qui renvoient à la tragédie allemande et à sa chère figure disparue. C’est donc à l’Ouest que le peintre et le médecin vont dénouer le fil de leur passé et découvrir le drame qui les relie. L’ample mise en scène ouvre à une grande richesse romanesque qui se passe de mots, ce qui est la base d’un grand film. Et celui-là est un chef-d’œuvre.
François Quenin
L’Œuvre sans auteur, de Florian Henckel von Donnersmarck, en salle.
Le film sort en deux parties, de 1 h 31 et 1 h 39 respectivement. Il est possible de les voir indépendamment l’une de l’autre.
Photo : © Diaphana