C’est l’histoire d’une robe. Une robe en coton, blanche à fleurs bleues, au look un peu rétro avec sa forme corolle. Une robe sans prétention, féminine sans être ostentatoire. Commandée en ligne, elle coûte 59,90 €. Le mercredi 29 juin, pour son premier jour dans l’hémicycle, Marie-Charlotte Garin, députée EELV de la Nupes, avait revêtu cette robe. Aussi simple qu’elle puisse être, cette dernière a déjà le destin des habits exceptionnels.
Cette robe, il y a dix ans, en juillet 2012, avait en effet valu à celle qui la portait alors sifflets et quolibets dans l’hémicycle. Elle avait déclenché une vague de commentaires sexistes à la limite du graveleux devant les micros des médias. Parce qu’être féminine ne faisait pas – ne fait pas ? – partie d’un monde politique où l’expression de la féminité – nécessairement frivole ? – doit se fondre dans des codes vestimentaires masculins beaucoup plus austères. Cette robe aurait pourtant dû s’effacer pour laisser place à la voix de sa propriétaire, Cécile Duflot, alors nouvelle ministre de l’Égalité des territoires et du Logement. Mais le code vestimentaire conservateur n’en avait pas décidé ainsi. Même si, une robe, c’est bien plus strict qu’un jean, lequel valut à la ministre des remontrances de la France, outrée que l’on puisse se rendre à un conseil des ministres ainsi vêtue.
C’est désormais une robe de passation de pouvoir. Avec Marie-Charlotte Garin, la jolie robe bleue a acquis une dimension historique, une continuité qui va au-delà de l’événement même de juillet 2012. Comme le dit la députée, cette robe veut porter le message de la « lutte contre les violences sexistes et sexuelles, l’exemplarité en politique et les droits des femmes et des minorités ». Cette petite robe symbolise la situation des Françaises dans cet hémicycle : enjointes à être féminines « sans être vulgaires » et « bruyantes » quand elles se font entendre…
C’est l’histoire d’une robe de tous les jours, pratique et néanmoins belle pour ces femmes qui travaillent, s’occupent de leurs familles, de leurs engagements divers et variés. Mais c’est devenu une robe politique, une robe symbole du sexisme que ces femmes, toutes ces femmes, des représentantes politiques à celles des ronds-points des gilets jaunes, subissent tous les jours. Le sexisme et la violence envers les femmes sont politiques à partir du moment où un événement se répète continuellement et qu’il est validé par un système qui maintient la violence et la discrimination. C’est l’histoire d’une robe qui rappelle qu’un hémicycle de la République française est un hémicycle pour toutes et tous. Comme quoi, on peut aussi crier fort et porter une simple robe de coton bleue et blanche.
Une robe n’est jamais futile.
Luna Vernassal