La messe est dite. Notre-Dame de Paris retrouvera sa flèche, reconstruite à l’identique de celle édifiée par Eugène Viollet-le-Duc lors de la restauration de la cathédrale entre 1844 et 1864. Soutenu par le président de la République, Emmanuel Macron, approuvé le 9 juillet par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, le projet de Philippe Villeneuve, l’architecte en chef en charge du monument ne fait plus débat. « C’est une décision sage », ont salué les spécialistes du patrimoine. « Cette flèche est constitutive du paysage parisien », a souligné, sur LCI, le général Jean-Louis Georgelin, président de l’établissement public en charge de la cathédrale. Il n’y a guère que l’architecte Jean-Michel Wilmotte qui ait exprimé publiquement des regrets. En fait, la décision est conforme aux engagements de la France dans le cadre de la charte de Venise (1964), qui prévoit la restauration des monuments dans le « dernier état connu ». La toiture et la charpente, elles, seront reconstruites dans leur matériau d’origine, c’est-à-dire en plomb et en bois.
Dernier état connu ? En fait, il s’agit de la cathédrale médiévale réinventée par Viollet-le-Duc. « Je ne pense pas que ce soit une sanctuarisation. C’est la préservation d’une partie de l’histoire de Notre-Dame et du patrimoine. Le chantier de Viollet-le-Duc a débuté il y a presque deux cents ans. Il fait donc partie de l’histoire, commente l’historien Olivier de Chalus, ancien chef des guides de la cathédrale. C’est une des restaurations les plus réussies de cette époque. Elle a marqué la réflexion sur les monuments historiques, dont les architectes en chef, qui ont la charge de faire vivre notre histoire, sont aujourd’hui les héritiers. »
Quant à l’achèvement des travaux, l’horizon en est toujours fixé à 2024. Est-ce tenable ? Le général Georgelin a promis qu’un Te Deum serait célébré à cette date dans l’édifice et que le culte catholique pourrait y reprendre. Cela ne signifie pas que les travaux seront achevés. Le calendrier reste incertain à cause de multiples inconnues. « La cathédrale est toujours fragile », préviennent les responsables du chantier. Les travaux de sécurisation sont toujours en cours. Pour avancer le plus rapidement possible, les équipes de cordistes se relaient en travaillant 6 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Toutefois, le principal motif d’inquiétude demeure l’état des voûtes. Il va conditionner la durée du chantier. L’évacuation des vestiges de l’incendie qui se sont déposés au-dessus d’elles n’est toujours pas achevée. Ces débris de toiture et de charpente sont soigneusement stockés et conservés. Ils représentent un matériel archéologique important, qui va permettre d’approfondir la connaissance de Notre-Dame.
Pour la première fois depuis l’incendie, Philippe Villeneuve a pu s’approcher, le 30 juin, au plus près des pierres du chœur et les ausculter grâce à l’ingéniosité des cordistes, qui l’avaient attaché sur une sorte de brancard et treuillé.
Les conclusions d’une étude de diagnostic de la cathédrale devraient être rendues cet automne. C’est à ce moment-là seulement qu’on aura une idée précise du calendrier.
Bernadette Sauvaget
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Victor Hugo et la flèche
En 1831, Victor Hugo publie le roman de la cathédrale. Même si l’écrivain a situé Notre-Dame de Paris en 1482, il consacre un long chapitre à la description de l’état du bâtiment au XIXe siècle, s’insurgeant des transformations qui ont eu lieu depuis le Moyen Âge. Viollet-le-Duc n’a toujours pas reconstruit la flèche, démontée car elle menaçait ruine. Hugo écrit : « Et si nous montons sur la cathédrale, sans nous arrêter à mille barbaries de tout genre, qu’a-t-on fait de ce charmant petit clocher qui s’appuyait sur le point d’intersection de la croisée, et qui, non moins frêle et non moins hardi que sa voisine la flèche (détruite aussi) de la Sainte-Chapelle, s’enfonçait dans le ciel plus avant que les tours, élancé, aigu, sonore, découpé à jour ? Un architecte de bon goût (1787) l’a amputé, et a cru qu’il suffisait de masquer la plaie avec ce large emplâtre de plomb qui ressemble au couvercle d’une marmite. » (Notre-Dame de Paris, livre troisième, chapitre I). Hugo parle de Nicolas Parvy, l’instigateur d’une campagne de restauration assez calamiteuse en 1787-1788.
B. S.