On s’est tellement habitué aux trumperies qu’on finirait par ne plus réagir. D’ailleurs, à l’exception de timides manifestations européennes de soutien à l’OMS, comme celle d’Emmanuel Macron, il n’y a guère eu de réactions à la décision des États-Unis de suspendre, en pleine pandémie, leur contribution financière au fonctionnement de l’organisation internationale. Au contraire, d’autres pays, comme l’Australie, ont emboîté le pas à Trump et crié à leur tour haro sur l’OMS.
On peut n’y voir qu’une de ces foucades auxquelles nous a habitués le président américain, mais cette décision est aussi le reflet d’une partie de l’opinion américaine qui n’est capable d’interpréter les relations internationales qu’à la lumière du western hollywoodien.
Sans doute l’OMS sert-elle à Trump de bouc émissaire dans une logique de politique intérieure afin de faire oublier ses erreurs, même s’il n’est pas certain que les Américains qui votent pour lui sachent davantage ce qu’elle est que situer l’Irak ou l’Iran sur une mappemonde.
On peut aussi y voir l’expression de la volonté du président américain de remettre en cause le multilatéralisme. Et, d’ailleurs, les États-Unis n’ont pas plus respecté le Règlement sanitaire international que les règles de l’OMC – sans parler du traité de Paris ou de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien –, règlement qui pourtant les engage tout autant que les 195 autres pays signataires et dont le comité a proposé au directeur général de l’OMS, l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, de déclarer l’urgence de santé publique internationale.
On peut aussi considérer qu’il n’a pas totalement tort, et que l’OMS a trop voulu ménager les dirigeants chinois et n’a pas fait preuve à leur égard d’une exigence suffisante, en prenant pour argent comptant leurs déclarations douteuses.
Il n’empêche, ce n’est pas en affaiblissant l’OMS qu’on lui permettra de jouer davantage son rôle, ni en sortant des institutions internationales qu’on contrebalancera le poids croissant de la Chine en leur sein.
Or, on voit bien que, comme pour la crise environnementale, la gestion des crises épidémiques nécessitera plus que ce multilatéralisme sur lequel repose l’OMS ; qu’il faudra dans ce domaine des compétences supranationales permettant d’assurer des réponses rapides, coordonnées et appliquées par tous. Et que cela nécessitera de renforcer aussi les moyens de l’OMS.
Dans ce contexte, la faiblesse des réactions de la communauté internationale inquiète. Plutôt que de chercher des responsables et des boucs émissaires, il serait plus utile que cette dernière fasse, une fois la crise terminée, ce qu’on fait normalement après une crise sanitaire, un retour d’expérience qui permette d’en tirer toutes les leçons, y compris sur le rôle que doit jouer l’OMS.
Daniel Lenoir (http://www.daniel-lenoir.fr)
Maintenant que Trump leur propose de se prémunir du covid19 en se « javellisant de l ‘intérieur » pour reprendre l’expression de L. Joffrin (cf Libé) les Américains commencent à penser que ce président est quand même bizarre et dangereux.
Je trouve que vous polarisez trop sur Trump et pas assez sur la Chine alors que le danger est aussi et même encore plus réel parce que dissimulé et sournois. Voir « 7 milliards de surveillés » sur arte ouvre pourtant les yeux sur le danger que présente la concentration des pouvoirs politique, capitalistique et technologique de ce pays qui pratique à l’échelle de la planète le » weiqi », jeu des encerclements, dont la reconnaissance faciale n’est qu’un aspect. Nos libertés sont menacées et la liberté tout court, c’est le problème du moment. Lire « pourquoi l’Europe » (editions allia) du sinologue Jean François Billeter qui analyse en miroir les 2 cultures européenne et chinoise.
« même s’il n’est pas certain que les Américains qui votent pour lui sachent davantage ce qu’elle est que situer l’Irak ou l’Iran sur une mappemonde ». Quel mépris!
Ce genre de remarque n’a pas réussi à Hillary Clinton!