Après la semaine de tous les dangers, la semaine de toutes les options. À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous savons que le président de la République doit s’adresser solennellement aux Français le 10 décembre, que la CGT organise un grand défilé pour la revalorisation du pouvoir d’achat le 14 décembre et que les gilets jaunes préparent, samedi 15 décembre, le Ve acte de la mise en scène de leurs insatisfactions.
Même si les prévisions sont un exercice difficile, on peut formuler deux constats, deux hypothèses et un souhait pour la sortie de crise.
Premier constat : il faut sortir de la crise le plus vite possible car on n’imagine pas que cette situation de désordre perdure encore très longtemps. Les Français commencent à se lasser de ces violences et de leurs conséquences sur l’activité économique ; ils attendent une solution avant de partir en congés.
Second constat : les partis politiques ont perdu la main et sont sur le banc de touche.
Première hypothèse : un mouvement d’ampleur national, surtout s’il est soutenu symboliquement par une majorité de Français, doit faire des propositions pour sortir du conflit qu’il a lancé et accepter de se mettre autour de la table pour négocier. S’il ne le fait pas, il est condamné à être récupéré. On peut considérer que les gilets jaunes vont désormais sortir du jeu, ce qui ne veut pas dire sortir de scène.
Seconde hypothèse : il n’y aura pas de coexistence entre la stratégie du rapport de force et la stratégie de la négociation. Les syndicats ont vocation à intermédier et à transformer violences, oppositions et revendications qui se font jour au sein d’une société en accords et dispositifs législatifs. La CFDT et la CGT le font, chacune à leur manière. La CGT, après avoir constaté que ce mouvement avait peu de consonance culturelle avec ce qui la constitue, s’est tenue prudemment à l’écart tout en fixant aux Français un rendez-vous à mi-décembre. Elle sait très bien qu’à défaut de résoudre les très nombreux et très graves problèmes posés par ce mouvement à notre société il n’est pas de conflit social qui ne se termine heureusement par une augmentation des salaires en général et du Smic en particulier. Sa ligne est donc simple et claire : récupérer le mouvement à son avantage en luttant pour une revalorisation du Smic. La CFDT, qui a pris la mesure des blocages de la société française depuis fort longtemps, a courageusement décidé de ne pas rester à l’écart du mouvement des gilets jaunes en appelant le gouvernement à ouvrir des négociations sur tous les points qui fâchent. C’est, de notre point de vue, l’option la plus en ligne avec le besoin de transformation sociale nécessaire et c’est celle qui propose de construire le futur sur la négociation pour faire vivre les valeurs de la démocratie.
Un souhait : c’est au président de la République qu’il appartient de trancher rapidement entre ces deux options. Ceci suppose d’abord de prendre des mesures significatives pour mettre un terme au conflit – mais sans donner raison à la démagogie –, puis d’ouvrir des perspectives crédibles et ambitieuses de négociation sur les points de blocage et les contradictions de notre société. C’est un chemin plus escarpé, mais il fait vivre la démocratie autrement que par le seul rapport de force.
Jean-Marc Salvanès
Photo : Guilhem Vellut (CC BY 2.0)