Depuis Je suis un autarcique (1976), Nanni Moretti domine le cinéma italien avec des films intimistes et politiques qui rendent compte de l’état de son pays et de nos sociétés européennes. Le voici de retour avec un film très romanesque adapté du récit de l’écrivain israélien Eshkol Nevo, Trois Étages. Moretti en a gardé le titre et l’intrigue en la développant dans ses conséquences, d’où la complexité romanesque qui fait la richesse de ce film très abouti, racontant la vie des habitants d’un petit immeuble romain.
L’intrigue débute par un accident de la route. Andrea, 20 ans, rentre un soir complètement ivre et renverse une passante, qui meurt à l’hôpital. Andrea habite avec ses parents au dernier étage, le troisième. Sa mère, Dora, est juge, comme son père, Vittorio (Nanni Moretti lui-même). Tous deux sont catastrophés, autant par l’accident mortel que par l’attitude irresponsable de leur fils : il leur suffit, dit-il, d’activer leurs relations, et le tour est joué. Mais le père ne l’entend pas ainsi et veut que son fils assume, jusqu’à la prison probablement. Apparaît ainsi une ancienne fêlure entre le père et le fils, qui ne va pas se refermer, loin de là.
À partir de cet accident, les événements s’enchaînent, s’imbriquent et s’entremêlent entre les habitants de la résidence. Avec Sara et Lucio, d’abord, un couple du premier étage qui a une fille de sept ans, Francesca, souvent confiée à un vieux couple, Giovanna et Renato, qui habite l’appartement d’en face. Au deuxième étage, il y a Monica, une femme enceinte, dont le mari, Giorgio, est très souvent en voyage. Au fur et à mesure que les événements surgissent, et ils sont nombreux, les interactions entre les habitants de l’immeuble se multiplient, si bien que l’on suit passionnément les aventures intimes de chacun.
« Cette histoire raconte notre tendance à mener des vies isolées, affirme le cinéaste. Le film est une invitation à s’ouvrir au monde extérieur qui emplit nos rues. » Pas facile en ces temps de pandémie – qui n’est d’ailleurs pas du tout évoquée. La fin conduit à un apaisement qu’on aurait cru impossible. C’est la magie de cette œuvre qui entremêle les vies et les fait s’accomplir au bout d’un long processus nécessaire à une issue sereine.
François Quenin
Tre Piani, de Nanni Moretti, 1 h 59, en salle le 10 novembre.