On se souvient de Séraphine, de Martin Provost, film couvert de prix en 2008 qui racontait le destin d’une femme de ménage dont les tableaux sont exposés aujourd’hui dans les musées. Ce cinéaste aime les femmes : après Violette en 2013, biographie de l’écrivaine Violette Leduc, amie de Simone de Beauvoir, après Sage Femme en 2017, voici La Bonne Épouse.
La bonne épouse est un modèle disparu dans la tourmente de 1968. C’est sur cette période que le cinéaste et sa coscénariste, Séverine Werba, ont centré leur histoire en racontant les derniers mois de l’existence d’un pensionnat pour jeunes filles spécialisé dans l’apprentissage ménager. Ces ados qui s’ébrouent à l’approche de la révolution des mœurs sont encadrées par trois femmes : Mme Paulette Van Der Beck, directrice du pensionnat La Bonne Épouse – impeccable rôle de composition pour Juliette Binoche –, sa belle-sœur un peu perchée – Yolande Moreau –, et sœur Marie-Thérèse – Noémie Lvovsky en religieuse rigide. Deux hommes entourent ces femmes : Robert Van Der Beck, l’époux de la directrice – François Berléand, mou – et André – Édouard Baer, fringant –, l’amour de jeunesse de la directrice, amour qui n’a pas dit son dernier mot… Dès la rentrée scolaire de 1967-1968, dans ce qui est en quelque sorte un collège professionnel – difficile à se représenter aujourd’hui –, la directrice énumère « les sept piliers qui feront de vous, Mesdemoiselles, la perle des ménagères, un rêve pour vos futurs époux ».
Le ton est donné, on est dans la comédie, sinon dans la caricature, mais pas seulement. Quand on dit à Martin Provost que tous ses films parlent de l’émancipation des femmes, le cinéaste répond que cela vient sans doute de son histoire : dans son adolescence, il s’est violemment opposé à son père, un homme à l’ancienne, qui estimait légitime la domination masculine. Comme dans Séraphine, où la reconstitution du début du XXe siècle à Senlis était minutieuse, les années 1960 sont restituées avec minutie et drôlerie. À la fin, dans un moment émouvant et gai, les ados et leur directrice évoquent en chantant les femmes qui ont changé la condition féminine en Occident : Simone de Beauvoir et son Deuxième Sexe, publié en 1949, Gisèle Halimi, qui obtint en 1972 la relaxe d’une jeune fille poursuivie pour un avortement après un viol, Simone Veil, qui légalisa l’IVG en 1975, et une ribambelle de grandes dames. Quant à l’épreuve d’enseignement ménager au baccalauréat, elle a été supprimée… en 1984. C’était hier.
François Quenin
La Bonne Épouse, de Martin Provost, 1 h 48, en salle.