Édito : L’épure de la Ve

La convocation du Congrès par le président Macron a donné lieu à une incroyable séquence de bavardage médiatique. Sur tous les plateaux des chaînes d’information continue on a répété jusqu’à plus soif que le président se prenait sinon pour Dieu, du moins pour le Roi-Soleil. Et de prendre fait et cause pour un « pauvre » Premier ministre qui allait être humilié par la prise de parole macronienne. Le sommet a été atteint lorsqu’une sémiologue fut invitée afin de discerner sur le visage d’Édouard Philippe la trace d’une rancoeur que ses paroles cacheraient, mais que révélerait le pli d’un sourcil. Un microcosme médiatique qui, depuis dix ans, se repaissait de petites phrases et de off se retrouve dans l’humeur des fauves du cirque seulement nourris de yaourt dans Astérix gladiateur.

On a au passage oublié que les présidents avaient coutume d’adresser aux deux chambres un message qu’ils faisaient lire aux députés debout, juste avant que le Premier ministre fasse son discours de politique générale. Nicolas Sarkozy avait relevé l’hypocrisie du procédé et introduit la réforme constitutionnelle qui permet au président d’adresser son message lui-même, sans porte-voix.

Emmanuel Macron a donc parlé. Loin de marcher sur les plates-bandes de son Premier ministre, le Président s’est exprimé sur les sujets qui sont de sa prérogative selon les termes de la Constitution. D’abord une série de propositions qui vont imposer une réforme constitutionnelle conséquente : diminution conséquente du nombre d’élus (un tiers), sénateurs et députés ; introduction d’une dose de proportionnelle ; suppression de la Cour de justice de la République ; réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE), lui aussi réduit d’un tiers et transformé en « chambre du futur ». À quoi il faut ajouter l’annonce de la création d’une « conférence des territoires » dans un objectif de décentralisation ; l’obligation de faire, après deux années, un bilan des lois votées ; la loi sur la sécurité qui devrait permettre de sortir de l’état d’urgence. On ajoute une pincée d’Europe, un peu de sécurité nationale et la boucle est bouclée.

Le président a fait le président dans l’épure de la Ve République. Du côté des médias, après les bavardages, on va pouvoir passer à l’exégèse ; il va falloir faire vite, car il faudra aussi commenter le discours de Philippe. La digestion des fauves va être longue.

CHRISTINE PEDOTTI

Photo par Marc Vassal (Travail personnel) [GFDL ou CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

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