Les temps ont changé…
Cabu a été tué par des tirs de Kalachnikov et la salle de rédaction du journal le plus irrévérencieux de notre pays a été le théâtre d’un monstrueux carnage. Dorénavant, on ne s’en prend plus aux militaires ou aux policiers, on les remercie, on les applaudit, on les embrasse, on arbore bravement le drapeau tricolore en chantant La Marseillaise à pleins poumons. Difficile d’imaginer le Grand Duduche allant fièrement servir sous les drapeaux…
C’est pourtant bien ce qui risque d’arriver. Vingt ans après la fin du service militaire, Emmanuel Macron est favorable, pour chaque jeune Française et Français, à un service national court et obligatoire. Mieux vaut qu’il soit court en effet, sinon les passe-droits seront légion, et gageons que ce sera plutôt un service civique, les temps du peuple en armes semblant définitivement révolus.
Ils sont déjà nombreux à critiquer cette mesure à la faisabilité hypothétique (beaucoup de casernes ont été vendues) et au financement aventureux en ces temps de rigueur budgétaire.
C’est pourtant un très beau projet : il n’est jamais trop tard pour faire l’expérience du sentiment d’appartenance à une nation. Il ne sera pas question d’apprendre le métier des armes, on ne devient pas grenadier-voltigeur en quelques semaines et le but n’est pas ici de former des soldats d’élite.
En revanche, vivre l’altérité est forcément structurant. Aller à la rencontre de l’autre, découvrir tout un pan de la société que l’on ignore est nécessaire : le brassage social ne se fait plus et la société française est de plus en plus cloisonnée.
Enfin, se confronter à l’autorité est indispensable à qui veut vivre sa vie en conscience. On ne subit pas l’autorité, on fait avec, en cherchant, dans un cadre imposé, des possibilités d’être, de faire, d’obéir, voire de refuser. L’expérience de l’autorité permet alors de devenir véritablement l’auteur de sa vie. C’est beaucoup. Sans compter la réhabilitation du mot servir dans une société où priment l’égoïsme et le repli sur soi.
JEAN-FRANÇOIS ROUZIÈRES
Photo : Ecole polytechnique (CC BY-SA 2.0)