Édito : En mal de gauche

C’est peu dire que Jean-Luc Mélenchon sait faire parler de lui. Son art de la provocation force l’admiration, mais il faut y ajouter celui de l’humiliation. Les socialistes auront sans doute apprécié de se faire traiter d’animaux de zoo dans un entretien accordé par le patron des Insoumis à La Provence. Mais ce sont les communistes, pourtant ses alliés lors de la présidentielle, qui ont subi, non pas la verve, mais le mépris public du député marseillais.

Contrairement à tous les bons usages, Jean-Luc Mélenchon a purement et simplement séché la Fête de l’Humanité, où les Insoumis n’avaient même pas un stand. On ne saurait être plus explicite ; non seulement il n’envisage pas la moindre alliance ni la moindre union à gauche, mais il fait comme si, définitivement, il était seul face au pouvoir. Cette stratégie est peut-être bénéfique pour la France insoumise, perçue par les Français et les Françaises comme la principale force d’opposition, mais elle n’est pas sans inconvénient dans l’équilibre des forces politiques.

En pesant lourd dans une position de gauche utopiste, Jean-Luc Mélenchon rend inaudible des courants plus réalistes et rationnels. On voit bien que la malheureuse trentaine de députés de la Nouvelle Gauche, malgré les efforts de leur président Olivier Faure, ne réussit pas à trouver un peu d’oxygène. Et moins encore le petit groupe des communistes, mené par André Chassaigne. Les partis, quant à eux, sont à l’agonie. Bref, les Insoumis peuvent être talentueux, tonitruants, distrayants, mais ils ne pèsent pas sur la politique d’Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon ne s’en cache d’ailleurs pas et affirme qu’il se prépare à rien moins qu’à l’alternance. Ses proches assurent que le pouvoir actuel n’ira pas au bout de son mandat. Clémentine Autain, députée LFI, commente : « On est dans une situation inédite, instable politiquement. »

En attendant, et l’attente risque fort de durer cinq années, la voix d’une gauche réaliste et constructive manque cruellement. Qui va rappeler au président que pour se prétendre « et de gauche et de droite », il doit donner des gages à gauche ? Dans un paysage politique en lente reconstruction, la radicalité mélenchonienne est médiatiquement rentable mais risque d’être d’une piètre utilité politique. Il faut ici citer Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. »

CHRISTINE PEDOTTI

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