Aujourd’hui, que sait-on du virus et de la pandémie ?
On sait déjà qu’on n’en a pas fini et qu’il va falloir vivre avec. D’abord, parce que peu de gens ont été infectés – moins de 15 % – et qu’il y a donc un réservoir de 85 % de la population qui peut l’être. Il faut ajouter qu’on n’a pas de garantie sur la solidité de l’immunité ni sur sa durée. Ce sont des informations que seul le temps nous donnera. Il faut arrêter de se faire peur en parlant de deuxième vague. En revanche, on sait que le virus circule toujours et qu’on reste à la merci d’un foyer mal maîtrisé. Si on remonte dans le temps, on voit qu’à l’origine des contaminations en France il y a eu le rassemblement de Mulhouse, l’Assemblée nationale et les soignants héroïques qui, au départ, ont été mal protégés. Dans les deux premiers cas, ce sont des personnes qui sont reparties dans toute la France avec le virus et qui, en ce qui concerne les députés, ont serré des centaines de mains lors de la campagne municipale. On parle de « supercontaminateurs » car il est vrai que certaines personnes semblent excréter beaucoup de virus, mais ce sont surtout des situations qui sont hypercontaminantes : parler fort, trop près les uns des autres, chanter ensemble, s’embrasser. Toutes choses qui sont très humaines… Les nouveaux foyers sont d’ailleurs souvent liés à des fêtes de famille ; difficile de se méfier des gens qui nous sont proches.
Les gens ne sont plus assez prudents ?
Je crois qu’il ne faut pas passer de messages culpabilisants, ça ne sert à rien. Le confinement a été rude pour beaucoup à bien des égards. C’est l’été, il fait beau, c’est normal de vouloir, en quelque sorte, reprendre son souffle. Mais il faut rappeler la nécessité des gestes barrière. On a la confirmation que le virus peut avoir une transmission aérosol mais cela ne vise, semble-t-il, que 5 % des contaminations. Le virus est principalement manuporté, c’est-à-dire qu’il se transmet par le contact. Cela signifie qu’il faut se laver scrupuleusement les mains, le faire chaque fois qu’on a touché une surface qui pourrait avoir été contaminée. Le port du masque est utile, mais c’est un accompagnement de ces gestes barrière que sont distanciation et lavage des mains.
On parle de la possibilité d’un vaccin. Savez-vous où on en est ?
Il est vrai que le vaccin serait une bonne issue, mais il faut rester très prudent. Mettre au point un vaccin, c’est long. Il faut vérifier qu’il est fonctionnel, qu’il n’y aura pas d’effets secondaires, et entrer en phase industrielle. On ne sait pas quelle sera la durée de l’immunité. On ne sait pas si le virus mute et dans quelle mesure. Il faut ajouter qu’on n’a jusqu’ici pas su trouver de vaccin contre un coronavirus. Il faut de fait s’installer dans la durée avec cette menace et rester vigilant. Pour ma part, autant qu’un vaccin, j’attends un processus de soins performant – ce dont on ne dispose pas pour l’instant.
Risque-t-on un nouveau confinement ?
Un nouveau confinement total me paraît impensable, mais on n’échappera sans doute pas à des confinements partiels locaux… Il va falloir réfléchir de façon éthique à ce que cela met en jeu. Quelle solidarité, quelle protection des plus fragiles, quelle « police sanitaire » ? C’est un vaste débat de société. Il faut ajouter que les pays qui laissent circuler le virus font courir des risques à tout le monde. Mais, aujourd’hui, on a beaucoup appris, on sait mieux faire face.
Sur la situation qui a été celle de la France, quel est maintenant votre regard ?
Ce qui est étonnant, c’est que le scénario d’un virus comme celui-ci était parfaitement connu et décrit. Jusqu’au début des années 2010, la France était citée comme exemple de préparation par l’OMS et, pourtant, nous nous sommes trouvés très dépourvus. À ce titre, les auditions de la commission parlementaire sont éclairantes. Il y a bien eu un « contre-effet Bachelot ». Didier Houssin – directeur général de la Santé jusqu’en 2011 – l’a rappelé aux parlementaires : « C’est vous qui avez crié à la gabegie. » L’erreur a été collective et systémique. Mais qu’est-ce que « le milliard de Bachelot », quand on sait maintenant qu’un mois de confinement coûte 350 milliards ? Quand je vois la composition du nouveau gouvernement, mon commentaire, c’est que nous avons quasiment un gouvernement « sanitaire » ; ça signifie que la mesure du risque est prise.
Propos recueillis par Christine Pedotti.