Comme en 2016, Simon Njami, son commissaire, a choisi une couleur pour thème, une couleur faisant référence à un moment et à un père de la négritude qui permettent de parler, grâce aux questionnements de l’art contemporain, des enjeux plus larges d’un continent africain où la créativité, sous toutes ses formes, est au coeur d’une formidable dynamique de développement, portée notamment par la jeunesse. Après « La cité dans le jour bleu » en 2016, qui faisait référence à un poème de Léopold Sédar Senghor, c’est « L’heure rouge » qui a été choisi comme thème en 2018.
Cette expression d’Aimé Césaire, tirée de sa pièce Et les chiens se taisaient, parle d’émancipation, de liberté et de responsabilité. Ce choix veut illustrer ce moment particulier de l’Afrique par les oeuvres exposées, mais également par un programme de rencontres et d’échanges sur le thème « Art contemporain africain et transformations des cadres intellectuels et normatifs ». Au coeur de la Biennale, l’exposition internationale « Une Nouvelle Humanité » abrite les oeuvres de soixante-quinze artistes venant de trente-trois pays. Deux d’entre eux sont à l’honneur et offrent une vitrine de leur vitalité créative, le Rwanda et la Tunisie. Cette dernière a une actualité particulièrement riche, marquée par l’ouverture cette année, dans sa capitale, d’une Cité de la culture comprenant un musée national d’Art contemporain, et par le développement de nombreux projets d’art contemporain, à l’image de la première édition d’un festival international de photographies et d’arts visuels, Kerkennah#01, qui se tiendra du 21 au 27 juin prochain sur l’archipel tunisien du même nom. Pour la première année, et peut-être pour répondre aux interrogations fortes de la scène sénégalaise, qui se sentait oubliée par la Biennale, le Sénégal a son propre pavillon. Mais la vitalité de DAK’ART, c’est aussi son off, avec plus de trois cents initiatives qui montrent la richesse et la dynamique de l’art contemporain africain. Un off avec des noms prestigieux tel celui de Barthélémy Toguo (photo), qui expose des oeuvres inédites dans une exposition hommage aux manuscrits de Tombouctou dans le cadre de la librairie Aux 4 Vents.
Enfin, pour donner une dimension festive et populaire à la manifestation, et favoriser son appropriation, notamment par les enfants, les jeunes et les femmes, la Biennale a choisi d’installer dans chaque commune de Dakar une « barak », dans laquelle les résidents seront invités à montrer ce qu’ils définissent eux-mêmes comme étant de l’art. Une proposition qui peut sembler étrange au regard des discours critiques et théoriques qui nourrissent la Biennale et l’art contemporain en général mais qui montrent bien les enjeux politiques véhiculés. Au-delà des questionnements critiques et prophétiques que les artistes adressent à leurs contemporains présents ou futurs, la médiation est devenue un enjeu fondamental non pas seulement pour la diffusion des oeuvres mais bien plus pour l’émancipation des individus par l’art.
Texte et photo Boris GREBILLE