Lorsque vous lirez ces mots, vous saurez si la Commission des lois du Sénat a voté pour la constitution d’une commission parlementaire dont la mission serait d’enquêter sur les crimes de pédophilie et leur traitement dans l’Église catholique. En effet, à la suite de l’appel que nous avons lancé le 30 septembre et qui a reçu 30 000 signatures, le groupe socialiste et républicain du Sénat a engagé son « droit de tirage » pour qu’une commission parlementaire voie le jour. Chaque groupe disposant d’un seul droit par année, cet engagement mérite d’être ici salué. Le seul « verrou » est celui de la Commission des lois, qui a la charge de se prononcer sur la recevabilité de la demande en question. En théorie, elle ne juge pas de son opportunité et vérifie simplement que le sujet relève bien des attributions d’une commission d’enquête parlementaire. L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 précise : « Les commissions d’enquête sont formées pour recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée qui les a créées. »
Sous réserve que la commission n’interfère pas avec des procédures judiciaires en cours, rien ne devrait donc empêcher sa constitution. Pourtant, il semble que la droite sénatoriale soit décidée à s’opposer à une telle commission. De sorte qu’à l’instant où ces lignes sont écrites il est impossible de faire un pronostic.
Si notre demande était rejetée, nous n’en resterions pas là. Aujourd’hui, la bataille est menée au Sénat, elle peut l’être demain à l’Assemblée nationale, et nous la mènerons, pour les victimes, pour la vérité et pour l’Évangile. C’est pourquoi nous avons toujours besoin de votre soutien. Si vous ne l’avez pas encore fait, allez signer l’appel sur pedophilieeglise.wesign.it/fr et proposez à vos connaissances de le faire. Nous menons une première bataille mais notre engagement peut nécessiter de la détermination, de la constance et de la patience. Le calendrier sera notre allié. En effet, le 30 octobre aura lieu à Orléans le procès de Mgr André Fort, ancien évêque d’Orléans, mis en cause pour non-dénonciation d’un prêtre pédophile. Du 3 au 8 novembre se tiendra à Lourdes l’assemblée plénière des évêques, laquelle doit travailler sur la question de la pédocriminalité et entendre des victimes. On notera que l’association La Parole libérée, qui a été constituée par des victimes du père Preynat à Lyon vient de renoncer à se rendre à Lourdes, considérant que les conditions d’écoute n’étaient pas remplies. Dès les premiers jours de janvier 2019 s’ouvrira d’ailleurs le procès du cardinal Barbarin, accusé de ne pas avoir dénoncé ce prêtre à la justice alors qu’il connaissait ses agissements. Et le pape François a convoqué pour février les présidents de conférences épiscopales du monde entier, toujours sur la question de la pédocriminalité dans l’Église. La longue litanie des prélats mis en cause à travers le monde s’allonge chaque jour. On vient par exemple d’enregistrer la démission du cardinal Donald Wuerl, accusé d’avoir couvert des crimes de pédophilie alors qu’il était évêque de Pittsburgh. On pense au célèbre vers de La Fontaine dans Les Animaux malades de la peste – « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » – tant le fléau semble universel. Le pape François lui-même est soupçonné de n’avoir pas toujours fait ce qu’il aurait dû, comme évêque et même comme pape.
Il va falloir s’interroger très sérieusement sur ce qui est en cause et en jeu dans ce terrible moment. Mais pour l’heure, notre priorité est de faire droit au besoin d’écoute et de justice des victimes, et d’éviter que de tels crimes puissent encore bénéficier de l’impunité.
Photo : Guilhem Vellut (CC BY 2.0)