Fortuna, fiction suisse qui doit son titre au prénom de l’héroïne, interprétée par Kidist Siyum Beza, jeune comédienne éthiopienne, se déroule dans un monastère des Alpes. La poignée de religieux qui prient dans ce désert glacé entouré de hautes montagnes a décidé, sous la houlette du père supérieur (Bruno Ganz), d’accueillir les migrants qui échouent là, épuisés. Parmi ces esseulés, une Éthiopienne de quatorze ans qui semble porter un secret trop lourd. Elle est catholique et elle prie la Vierge tandis que ses compagnons d’infortune, hommes et femmes, sont musulmans.
Fortuna confie sa peine à un âne qu’elle visite dans son étable. Entre ces deux innocents, la jeune fille et l’âne, s’instaure une émotion qui évoque l’un des chefs-d’oeuvre de Robert Bresson, Au hasard Balthazar, où il était question, justement, d’innocence brutalisée. On pense aussi à Des hommes et des dieux parce qu’il passe dans Fortuna ce même souffle de la foi et cette question : jusqu’où peuvent aller des hommes voués à la contemplation dans l’aide aux malheureux ? Cette problématique est au coeur de la discussion des religieux, que finit par clore le père supérieur en rappelant le précepte de l’Évangile : « Tout ce que vous ferez aux plus petits, c’est à moi que vous le ferez. »
Ces petits, on les retrouve dans le documentaire Libre, qui raconte le combat d’un homme seul, Cédric Herrou, agriculteur dans une vallée frontalière du Sud de la France, la Roya, près de Menton. Il a délaissé un temps ses oliviers centenaires pour aider des hommes, des femmes, des enfants qui traversaient ses terres. Cet homme généreux, qui mériterait un Nobel de l’entraide, tout le monde le connaît aujourd’hui. Un cinéaste méridional, Michel Toesca, a filmé son action pendant trois années, de 2015 à 2017. Son documentaire éclaire les enjeux cruciaux de cette bataille locale qui a pris aujourd’hui une dimension européenne et internationale.
François QUENIN
Fortuna, de Germinal Roaux, 1 h 46, en salle.
Libre, de Michel Toesca, 1 h 40, en salle.
Photo : Alexandre Chassignon (CC BY-SA 2.0)