Si le monde politique ancien s’est écroulé, c’est bien que, déjà, il ne restait que des façades branlantes sans rien derrière. Il a suffi d’un coup de vent pour que les ruines s’abattent et retournent à la poussière. Bien sûr, quelque chose va renaître, mais en attendant, il reste l’étrange solitude de ce jeune président, face à qui se lèvent si peu de contradicteurs.
Certes, il y a Jean-Luc Mélenchon, sa verve et ses Insoumis. Mais le tribun, tout talentueux qu’il soit – et il l’est – ne peut à lui seul constituer toute l’opposition. Comme la nature a horreur du vide et du silence, nous sommes, à longueur d’antenne, soumis au règne des commentateurs. L’épisode de l’intervention présidentielle est à cet égard exemplaire. Pendant vingt-quatre heures, il n’a été question que de ce qu’Emmanuel Macron allait dire, de ce qu’il devrait dire… Et chacun et chacune d’y aller de son analyse et de ses conseils. Après qu’il a parlé, pendant quarante-huit heures au moins, on a glosé, commenté, noté et annoté. « On », c’est-à-dire tous les experts, politologues et éditorialistes qui sont devenus les exégètes plus ou moins critiques de la parole et des silences élyséens.
Mais de contradiction politique fondée, argumentée, nulle trace. Les grands médias, comme un jeune chiot tentant d’attraper sa queue, courent après une opinion publique qu’ils fabriquent eux-mêmes. Et comme tout se mélange, dans la mouvance de la France insoumise va naître une télévision sur le Web, « Le Média citoyen », engagée mais pas inféodée, paraît-il, dont l’ambition est de se distinguer du monde médiatique détenu par « neuf milliardaires ». Une initiative bien paradoxale et un étrange mélange des genres. On se prend à relire la Constitution de cette bonne vieille Ve République : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. […] La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »
Alors où sont les partis ? Il est extrêmement urgent qu’ils se reconstituent ou se constituent, trouvent leur ligne et redeviennent de véritables acteurs de la vie politique. La vitalité démocratique en dépend.
CHRISTINE PEDOTTI
Photo par Kergourlay (Travail personnel) [CC BY-SA 4.0], via Wikimedia Commons