Ce samedi, à Bari, dans les Pouilles, une manifestation antiraciste contre le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini a été attaquée par trente militants néofascistes du parti CasaPound. Il y a eu des blessés. Matteo Salvini a refusé de condamner l’agression, estimant qu’il ne doit pas juger en fonction de témoignages parus dans la presse. Ce n’est que dans un deuxième temps, face aux conséquences, que des mandats d’arrêts ont été lancés.
L’objectif de Salvini, c’est le pouvoir. Son modèle est très certainement Orbán, maître dans la manipulation de la question des migrants
Le nationalisme, longtemps tenu à l’écart, est de retour en Italie. Le racisme, qui était considéré comme une honte, s’affiche sous forme d’une xénophobie contre les migrants, majoritairement noirs. Le besoin d’un « homme fort » est à nouveau populaire, contrairement au fondement même de la République italienne, qui, depuis sa fondation en 1947, fonctionnait sur le compromis entre forces parlementaires.
Soyons réalistes, l’objectif de Salvini, c’est le pouvoir. Son modèle est très certainement Orbán, maître dans la manipulation de la question des migrants pour asseoir un pouvoir fort. Ne soyons pas amnésiques, ce qui se passe aujourd’hui ne peut se comprendre sans évoquer ce qu’a été l’emprise de Berlusconi sur l’Italie. Emprise sur la culture de masse avec la diffusion massive d’un modèle exaltant un individualisme extrême, un égoïsme assumé, un libéralisme sans retenue. Nous avons assisté à l’abaissement général du niveau culturel. Berlusconi a endormi tout sens critique et préparé les esprits à accepter des choses qui n’auraient pas été imaginables pour les fondateurs de la Première République, née en réaction au passé fasciste de l’Italie.
Nous sommes face à la formule bien connue depuis les années 1930 qui consiste à utiliser les médias pour créer une opinion publique plébiscitaire et donner une impression de démocratie à une prise de pouvoir autoritaire. Aujourd’hui nous n’avons pas fini d’explorer les côtés sombres de la révolution numérique.
Ce n’est donc pas la démocratie réduite à la simple règle de la majorité qui va protéger l’Italie. C’est l’État de droit incarné par une magistrature très puissante et indépendante, implantée au coeur de l’État. Ce sont les juges qui ont fait chuter les politiques de l’après-guerre pour corruption et ensuite mis fin à l’aventure de Berlusconi en politique.
Voilà sans doute la différence fondamentale entre l’Italie et la Pologne ou la Hongrie, dont les magistratures sont trop jeunes et faibles pour résister à un coup d’État constitutionnel.
Propos de Lorenzo Consoli, journaliste italien, ancien président de l’Association de la presse internationale à Bruxelles, recueillis par Henri LASTENOUSE
Photo : Presidenza della Repubblica [Attribution], via Wikimedia Commons