Dans le village vosgien qui l’a vue naître, Solange (Catherine Frot) fête son anniversaire. Tel est le début du nouveau film de Lucas Belvaux, Des hommes. Ils sont une cinquantaine à être réunis dans la salle communale quand arrive Bernard (Gérard Depardieu), le frère de Solange, qui n’est pas invité. Bernard vit à l’écart du village. Voilà une vingtaine d’années qu’il est revenu, seul, après avoir vécu dans la région parisienne. Bernard est bourru et cassé par la vie. En ce jour de fête, le passé remonte à la surface. Et il vient de loin : de l’Algérie où il a fait son service militaire, une guerre en réalité, comme le fait redécouvrir Lucas Belvaux, qui s’est inspiré du roman éponyme de Laurent Mauvignier.
Quand Bernard arrive en Algérie, tout jeune et naïf, de la ferme vosgienne de ses parents, il découvre, ébloui, un pays de soleil. Mais quand il participe avec ses camarades à la « pacification » dans le bled, cela n’a plus rien à voir avec des vacances ensoleillées. Entre les fellaghas, la population des villages et l’armée française, les conscrits sont pris dans une spirale infernale où les adversaires rivalisent en férocité. Toute la vie de Bernard va en être chamboulée et la fête de sa sœur est l’aboutissement de ce long processus d’autodestruction.
Ce qui touche dans Des hommes, c’est la façon dont un jeune Français est happé par le conflit. L’ample mise en scène fait revivre les événements tragiques. « Le pari était de rester à hauteur de ces hommes et je trouve que c’est réussi », dit l’historien Benjamin Stora. Le précédent film de Lucas Belvaux, Chez nous, racontait la campagne d’un parti d’extrême droite dans le nord de la France à travers l’embrigadement d’une infirmière, un parti dirigé par une femme à la forte personnalité conseillée par un homme au passé trouble. « J’ai trouvé que Des hommes arrivait naturellement après Chez nous, explique le cinéaste. Le FN s’est en grande partie construit sur les cendres de cette guerre-là. » Né en 1961 à Namur, Lucas Belvaux observe dans ses films – 38 témoins, Pas son genre – les failles de la société. Des hommes plonge dans la débâcle coloniale de la France.
François Quenin
Des hommes, de Lucas Belvaux, 1 h 41, en salle.
Photo : © Synecdoche – Artemis Productions. Photo David Koskas