Il n’y a que les batailles que l’on ne mène pas que l’on est sûr de perdre. C’est l’idée qui a dû inspirer cette belle initiative lancée par une poignée de trentenaires autour d’un appel à une « primaire populaire » pour désigner le ou la candidat·e qui portera les couleurs de l’écologie, de la justice sociale et du renouveau démocratique en 2022. L’innovation s’appelle ici le « jugement majoritaire ». Dans le cadre d’un scrutin à un tour, chaque votant juge chaque candidature. Il y a sept mentions possibles, sur une échelle allant de « très bien » à « à rejeter » en passant par « assez bien » ou encore « passable ». Le ou la candidat·e le ou la mieux évalué·e par la majorité des votants remporte la primaire.
L’objectif est de transformer les quelques idées-forces auxquelles on peut facilement adhérer, écologie, justice sociale et démocratie, en ce que les promoteurs appellent un « bloc des justices » afin de contrer le « bloc identitaire » et le « bloc néolibéral ». En perspective, un débat présidentiel qui se concentre sur les grandes lignes d’un projet de société pour trancher les principes qui permettront au futur président d’exercer la fonction d’arbitrage qui lui est confiée par la Constitution.
En perspective également, un enjeu de dynamique politique : forcer Jean-Luc Mélenchon à se soumettre à cet exercice citoyen. Au motif qu’il est le premier à gauche dans les sondages, il se pose jusqu’à présent comme naturellement placé pour l’incarner, alors que beaucoup n’imaginent pas le voir fédérer l’ensemble des électeurs se reconnaissant dans un « bloc des justices ». La méthode du « jugement majoritaire » devrait permettre de trancher ce dilemme dès avant le premier tour de l’élection présidentielle. À condition naturellement de faire état d’un mouvement de participation suffisamment puissant pour qu’il soit représentatif de toutes les sensibilités. Les organisateurs nous promettent dix mille bureaux de vote lors de la tenue de la primaire à l’automne 2021…
Mais force est aussi de reconnaître que le bloc politique que cherchent à rassembler les promoteurs de la « primaire populaire » est aujourd’hui tiraillé entre des forces contradictoires : sur l’Europe, la laïcité, tout comme sur les voies d’une politique économique qui soit à la fois plus sociale et plus écologique. La quête du Graal est donc bien de trouver le barycentre d’un espace politique traversé de tensions. S’il y a une interrogation sur le point d’équilibre politique auquel pourra aboutir la méthode, elle suppose d’accepter que la présidentielle n’est pas l’alpha et l’oméga du débat démocratique. Ce qui nécessitera de redonner massivement sens et surtout légitimité à tous nos espaces de délibération collective. Alors que la présidentielle au suffrage universel n’en finit pas d’anesthésier notre démocratie, la primaire populaire peut porter nos espoirs pour la revivifier !
Henri Lastenouse et Daniel Lenoir