Pourquoi avoir mis fin aux travaux d’extension du terminal T4 de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle ?
Ce projet ne correspondait plus à ce que l’on essaie de construire sur l’aérien, à savoir, un mode de transport compatible avec les enjeux du développement durable. L’extension d’aéroports sur la seule base de celle du trafic [Ndlr : le projet du T4 correspondait à une prévision d’augmentation du trafic de 35 à 40 %], ce n’est plus possible. Nous avons donc demandé au groupe Aéroports de Paris d’abandonner son projet et de nous en présenter un nouveau plus cohérent avec les objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement. Rappelons que le plan de relance consacre 1,5 milliard d’euros au développement d’avions électriques ou à hydrogène. Cette décision est en accord avec les priorités définies dans le projet de loi que nous venons de présenter.
Votre projet de loi est très critiqué. Certains vous reprochent de ne pas aller assez loin, voire de trahir les engagements pris, tel celui de réduire d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport aux niveaux de 1990…
Ceux qui jugent notre capacité à tenir l’objectif de baisse de 40 % de gaz à effet de serre d’ici 2030 uniquement à l’aune de cette loi sont soit de piètres connaisseurs du sujet, soit de mauvaise foi. Certes, cette loi peut encore être améliorée, c’est d’ailleurs l’enjeu des débats parlementaires à venir, mais elle fait partie d’un ensemble. Il y a déjà eu les lois sur les mobilités, l’économie circulaire, l’énergie et les hydrocarbures, ainsi que les mesures en faveur du vélo… Celle-ci fait encore entrer un peu plus l’écologie dans le quotidien des Français. Quand nous ferons nos courses, un « CO2 score » indiquera l’impact carbone des différents produits. À l’école, les enfants seront sensibilisés à l’écologie et des menus végétariens seront proposés. Le texte donne également un coup d’arrêt à l’étalement urbain sans fin, aux déplacements en avion lorsqu’une alternative en train de moins de deux heures trente existe et à la vente des voitures les plus polluantes dès 2030. Il empêche la mise en location des « passoires thermiques » – logements indécents – et met fin à la publicité sur les énergies fossiles… Et rien ne dit que nous n’atteindrons pas nos objectifs. Une étude indépendante du Boston Consulting Group considère qu’à condition que l’ensemble des mesures du quinquennat soient appliquées ils seront atteints.
Et que devient la promesse du président Macron de traduire « sans filtre » les propositions de la Convention citoyenne dans la loi, alors que seules 46 sur 146 ont été reprises ?
Les membres de la Convention ont émis des propositions très ambitieuses. Et c’est très bien ! Toutes ont reçu une réponse et beaucoup ont été reprises. Mais pour les mettre en place, il faut se fixer des objectifs réalistes et les moyens de les atteindre. Il ne suffit pas de viser très haut, il faut appliquer les mesures. Regardez la taxe carbone : une bonne idée qui a fini en eau de boudin… Il y en a toujours qui diront que ce n’est pas assez, d’autres l’inverse, qu’on les étouffe, que l’écologie est punitive. Pour ma part, cela fait vingt ans que je suis engagée dans l’écologie. Mon unique boussole, c’est de faire avancer les choses, et je me suis battue pour chaque mesure, même si j’aimerais que ça aille parfois plus vite. Mais on avance à grands pas. Regardez : nous avons récupéré 30 milliards pour l’écologie dans le plan de relance, du jamais vu !
Il y a pourtant des reculades, notamment sur l’« écocide » – qui doit avoir un caractère intentionnel pour être constitué – de même que sur la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes, ces insecticides tueurs d’abeilles, dans la filière betterave ?
Par définition, la transition écologique ne peut se faire que par étapes. Sur les néonicotinoïdes, c’est moi qui ai fait voter leur interdiction en 2016 dans le cadre de la loi « Biodiversité » quand j’étais secrétaire d’État à la Biodiversité de François Hollande. Quand j’ai repris le dossier au ministère, nous étions dans une impasse avec la filière betterave. Fallait-il condamner l’industrie sucrière en mettant tous ses salariés sur le carreau en deux mois de temps ? On a préféré faire une exception temporaire pour permettre à tous de s’organiser. Depuis, 91 % des utilisations de néonicotinoïdes ont été stoppées et la totalité le sera dans trois ans. J’entends les critiques : « Manque d’ambition », « De toute façon, c’est foutu », etc. Dans ce cas, arrêtons tout et attendons l’apocalypse. Moi, je préfère avancer !
Propos recueillis par Lionel Lévy.
Photo : Pmau, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons