La guerre blanche

Oui, c’est à une guerre que nous sommes confrontés, le mot n’est aucunement exagéré et, d’ailleurs, le président en a usé pas moins de six fois dans le discours qu’il nous a adressé ce lundi soir.

Une guerre, oui, et très étrange. Blanche, parce que le sang ne coule pas. Les stukas ne descendent pas en piqué sur des cohortes de familles affolées. Les sirènes ne retentissent pas pour que nous nous terrions dans les caves pour échapper aux bombes. L’ennemi est invisible, et c’est peut-être moi ou mon proche qui le porte et le diffuse. Terrible ennemi qui attaque ce à quoi nous tenons par-dessus tout, la proximité, le soutien mutuel. Plus question de se serrer les uns contre les autres pour se rassurer. Seuls les intimes, ceux dont nous avons décidé de partager le même destin sous le même toit – conjoints, enfants, parents – demeurent touchables. Ne plus bouger pour que le virus lui aussi s’immobilise et peut-être s’éteigne faute de trouver de nouvelles proies. C’est le pari qui est fait et qui mobilise des moyens si extravagants : le confinement presque total de la population. Oui, c’est une guerre, et il faut ici dire clairement ce que l’on risque. Le calcul est simple : si la moitié de la population est contaminée et que taux de mortalité est celui de la Corée du Sud, le plus faible que nous connaissions, légèrement inférieur à 1 %, cela fait environ 300 000 décès. C’est beaucoup, et surtout, dans quelles conditions… Qui peut envisager aujourd’hui de voir mourir l’un des siens de détresse respiratoire, dans sa chambre, sans soins ? Alors, trois cent mille des nôtres ? Quel système de santé, quelle nation peut absorber un tel choc ? Ce chiffre, qui est un risque statistique, est effectivement au niveau d’un bilan de guerre. Tout l’enjeu est de faire mentir la projection mathématique d’un développement libre et « naturel » du virus. C’est pourquoi nous entrons dans une mobilisation générale d’autant plus difficile psychologiquement qu’elle consiste, pour l’énorme majorité d’entre nous, à ne rien faire et à attendre chez soi. Dans cette étrange guerre, il nous faut « simplement » avoir la force de l’inaction.

Bon courage à tous et toutes,

Christine Pedotti

7 commentaires

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  • Onfray Claudine

    Force de l’inaction !
    Oui si difficile quand on a l’habitude de la liberté !
    Mais chaque geste compte !!!
    L’action de ce virus peut-être soft mais aussi foudroyante !

  • cvillette

    Attention aux statistiques, le taux de mortalité s’appliquent aux malades symptomatique (qui ont des symptômes notamment de détresse respiratoire) et non à l’ensemble des porteurs sains + symptomatiques. Donc les 300 000 décès calculés est un fais calcul si je puis dire.
    Il n’en reste pas moins qu’un seul malade mobilise tellement de soins nécessaires pour le sauver qu’il faut absolument en limiter le nombre. Seulement 5700 lits de réa en France, là on est en-dessous des besoins pour soigner les malades qui développe les symptômes.

  • Yves Junet

    1.
    Voici ce qu’écrit Sophie Minguy, médecin urgentiste :

    « NOUS NE SOMMES PAS EN GUERRE et n’avons pas à l’être…
    Il est intéressant de constater combien nous ne savons envisager chaque événement qu’à travers un prisme de défense et de domination.
    Les mesures décrétées hier soir par notre gouvernement sont, depuis ma sensibilité de médecin, tout à fait adaptées. En revanche, l’effet d’annonce qui l’a accompagné l’est beaucoup moins.
    Nous ne sommes pas en guerre et n’avons pas à l’être.
    Il n’y a pas besoin d’une idée systématique de lutte pour être performant.
    L’ambition ferme d’un service à la vie suffit.
    Il n’y a pas d’ennemi.
    Il y a un autre organisme vivant en plein flux migratoire et nous devons nous arrêter afin que nos courants respectifs ne s’entrechoquent pas trop.
    Nous sommes au passage piéton et le feu est rouge pour nous. »

  • Yves Junet

    2
    Bien sûr il y aura, à l’échelle de nos milliards d’humains, des traversées en dehors des clous et des accidents qui seront douloureux.
    Ils le sont toujours.
    Il faut s’y préparer.
    Mais il n’y a pas de guerre.
    Les formes de vie qui ne servent pas nos intérêts (et qui peut le dire ?) ne sont pas nos ennemis.
    Il s’agit d’une énième occasion de réaliser que l’humain n’est pas la seule force de cette planète et qu’il doit – ô combien- parfois faire de la place aux autres.
    Il n’y a aucun intérêt à le vivre sur un mode conflictuel ou concurrentiel.
    Notre corps et notre immunité aiment la vérité et la PAIX.
    Nous ne sommes pas en guerre et nous n’avons pas à l’être pour être efficaces.
    Nous ne sommes pas mobilisés par les armes mais par l’Intelligence du vivant qui nous contraint à la pause.
    Exceptionnellement nous sommes obligés de nous pousser de coté, de laisser la place.
    Ce n’est pas une guerre, c’est une éducation, celle de l’humilité, de l’interrelation et de la solidarité. »

  • raymonde.mahin

    Merci Christine, de cet excellent article.

    Surtout, en ce temps de guerre, en plus de se confiner, en plus, ne pas crier au loup!,

    Non, nous n’avons pas de masques !! C’est un fait, point barre…

    TOUT FAIRE POUR NE PAS ATTISER LA HAINE , il y en a déjà assez…

    Bon carême aux lecteurs de TC

  • GIRARD

    Bonjour. Il y a nous qui sommes confinés mais qui pouvons en téléphonant prendre des nouvelles de nos proches plus fragiles et il y a celles et ceux dans les hôpitaux, les EPHAD, qui font un travail extraordinaire et risqué pour nous soigner. Restons chez nous solidaires.

  • Philippe Giron

    Excellent article qui montre bien les enjeux. Je crois qu’il faut réellement rester chez soi – sauf missions autorisées civiles, sanitaires, économiques… – et SURTOUT ne pas avoir peur.