Révélateur des impasses de la mondialisation, le Covid-19 est aussi un révélateur des impasses du « système neuronal planétaire », de cette noosphère à qui les réseaux sociaux ont donné une plus grande visibilité et dont ils amplifient les humeurs et les contradictions.
L’humanité reste marquée par ces peurs ancestrales qui voient dans le fléau invisible des épidémies le signe d’une punition divine ou une figure du mal et de ses conséquences sur les sociétés humaines.
Bien sûr, la connaissance des phénomènes épidémiques a progressé. Mais cette augmentation des savoirs et leur diffusion portent en elles-mêmes de nouvelles peurs, qui ne sont souvent que la version modernisée des anciennes. Informés des taux de contagiosité ou de létalité, les Français sont en train de se transformer en autant d’épidémiologistes, chacun y allant de ses conclusions péremptoires sur la crise sanitaire et sa gestion. Le problème, c’est que les modèles épidémiologiques sont interprétés à l’aune des conceptions déterministes et dualistes de la physique classique. On attend d’eux des certitudes, alors qu’au point de rencontre de la biologie et des sciences humaines l’épidémiologie est le règne des probabilités et de la complexité. Roselyne Bachelot l’a appris à ses dépens au moment de la grippe H1N1. Elle a voulu couvrir, par la vaccination, l’ensemble de la population française contre un risque annoncé par les instances internationales, lequel ne s’est pas réalisé.
Redoutable question pour la démocratie car, comme avec le marché – et on le voit avec le rush sur les solutions hydroalcooliques ou sur les pâtes –, l’addition des opinions individuelles ne reflète pas l’intérêt de tous. Faut-il alors laisser le gouvernement aux savants ? Pour une part oui, dans ces périodes de crise au moins, et c’est le choix que semble avoir fait le gouvernement. Mais c’est compter sans les réseaux sociaux et leur capacité à distiller le poison de la suspicion. L’une des leçons à tirer de cette crise est la nécessité de relancer le projet, cher à Edgar Morin, d’une éducation pour le XXIe siècle qui intègre les notions de risque et de complexité.
Daniel Lenoir (http://www.daniel-lenoir.fr)
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