Cinq victoires de l’Europe

À vingt-huit, on est plus fort, et en tout cas plus audible au plan mondial. La marque que l’Europe imprime sur notre quotidien est parfois difficile à discerner. Pourtant, nombre d’avancées n’auraient pas eu lieu sans l’UE. La preuve en cinq exemples.

Le RGPD

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) est entré en application le 25 mai 2018. Il s’agit du nouveau cadre européen concernant le traitement et la circulation des données à caractère personnel, ces informations sensibles sur lesquelles les entreprises s’appuient pour proposer des services et des produits. Il faut par exemple qu’elles récoltent au préalable un consentement écrit, clair et explicite de l’internaute avant toute récupération de données personnelles. D’où l’avalanche dans votre boîte de courriels vous demandant des autorisations. Le règlement prévoit aussi que les internautes puissent entreprendre une action de groupe en cas d’utilisation illicite de leurs données par une entreprise. Les sanctions sont sévères : en cas d’infraction, l’amende peut atteindre jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a ainsi infligé une amende de 50 millions d’euros à Google pour non-respect du RGPD. Le géant américain a fait appel.

La directive droit d’auteur

La législation européenne sur le droit d’auteur datait de 2001. Elle protège les auteurs de créations musicales, cinématographiques, écrites, photographiques, logicielles, de mode… Problème, elle ne tenait pas compte des évolutions technologiques qui ont transformé la façon dont les œuvres sont diffusées et exploitées. Les modèles économiques ont été bouleversés, souvent au bénéfice des grandes plateformes que sont Facebook, Google, ou encore YouTube. La nouvelle directive vise à adapter le droit d’auteur à l’ère numérique.

Le Parlement européen, qui a été soumis à un fort lobbying, a tenté d’élaborer un texte de compromis. Il renforce les responsabilités des plateformes en matière de protection du droit d’auteur, qui s’applique également aux extraits. En revanche, le simple partage d’hyperliens vers des articles et les « mots isolés » pour les décrire échapperont aux règles du droit d’auteur. Sont également exemptés du champ d’application de la future directive les petites et microplateformes, tout comme le téléchargement non commercial depuis des encyclopédies en ligne ou des plateformes de logiciels libres.

Le texte continue de faire polémique. Les opposants dénoncent une remise en cause du mécanisme de liens, essence même de la navigation sur Internet, et la mise en place d’un filtrage généralisé des contenus, avec des risques de censure associés.

Le congé paternité

Les pays européens se sont mis d’accord en janvier 2019 sur la mise en place d’un congé de paternité de dix jours minimum dans tous les États membres, rémunéré sur les mêmes bases que le congé maternité. La France en propose déjà un, de onze à dix-huit jours, mais pour certains pays, comme l’Allemagne, c’est une petite révolution, puisque la loi n’en prévoyait aucun. Les pays européens ont maintenant deux ans maximum pour le mettre en œuvre.

La directive détachement des travailleurs

C’est une avancée dans la jungle du travail détaché. Selon les statistiques européennes, les travailleurs détachés étaient 2,3 millions dans l’UE en 2016. Désormais, la pratique sera limitée à dix-huit mois, contre vingt-quatre aujourd’hui. Au-delà de cette durée, ce sont les règles de travail du pays d’accueil qui s’appliqueront intégralement. Le texte instaure le principe du « salaire égal à travail égal au même endroit ». Cela veut dire que la rémunération des travailleurs détachés ne devra plus seulement respecter les minimums légaux du pays d’accueil. Il est aussi interdit à l’employeur d’effectuer sur le salaire du travailleur des déductions, comme celles portant sur le transport, la nourriture ou le logement.

Les lanceurs d’alerte

Le Parlement européen et le Conseil européen se sont mis d’accord le 11 mars sur la directive visant à protéger les lanceurs d’alerte. Le texte ne les oblige plus à signaler les faits incriminés prioritairement en interne, dans leurs entreprises, une disposition qui était critiquée par les organisations de défense de la liberté d’information. Pourtant, de nombreux États, dont la France, ont tenté jusqu’au dernier moment de bloquer cette avancée. Cette mesure est destinée à s’appliquer à tous les sujets qui concernent l’intérêt général, comme les atteintes à l’environnement, les risques sanitaires, la fraude fiscale, le blanchiment d’argent ou la protection des données personnelles. Le Parlement a aussi demandé que les journalistes d’investigation disposent de la même protection que les lanceurs d’alerte.

Jacques Duplessy