Le premier référendum est à l’origine de la crise profonde actuelle. Un deuxième référendum ne ferait que l’aggraver…
Dernier épisode en date – à l’heure où nous mettons sous presse –, le possible accord entre Theresa May et Jeremy Corbyn sur la teneur des futures relations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Le suspens continue…
Alors que des discussions sont enfin ouvertes entre majorité et opposition à Londres, l’Union européenne retient son souffle. Le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, reste « ouvert » à une modification du texte sur les relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, à condition que la Première ministre britannique et l’opposition travailliste trouvent un accord et donc une majorité au Parlement. En effet, ce texte de vingt-six pages est la seule chose qui soit négociable vu les délais. Tout dépend maintenant de Theresa May et de Jeremy Corbyn, le chef du parti travailliste, qui pourrait l’accompagner cette fois au Conseil européen du mercredi 10 avril à Bruxelles, qui portera sur la demande britannique d’un nouveau délai au-delà du 12 avril prochain. Le temps, mais aussi les marges de manœuvre sont limités. Si les possibilités de coopération future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne restent un sujet ouvert, le traité de sortie de l’UE, qui, lui, compte six cents pages, n’est pas négociable. Michel Barnier a rappelé qu’il n’y en aura pas d’autre. Sur ce constat, et après avoir tenté par trois fois de trouver une majorité dans son propre camp conservateur, Theresa May tente maintenant d’en constituer une avec l’opposition, en espérant ne pas trop perdre de soutien du côté des siens. Enfin, dernier élément de l’équation politique que tente de résoudre la Première ministre britannique, la seule majorité qui se soit exprimée au Parlement a interdit à son gouvernement de sortir de l’Union européenne sans accord (Brexit dur)… Pour comprendre ce que le Brexit révèle aujourd’hui de l’état du système politique britannique et évaluer les options encore possibles, nous avons interrogé l’ancien député européen (1999-2014) Andrew Duff.
Comment envisagez-vous les semaines à venir ?
Sauf accord de dernière minute, il faudrait juste « débrancher » le Royaume-Uni de l’UE ! Après avoir vécu quelque temps comme un pays tiers à l’UE, les Britanniques changeront un jour leur fusil d’épaule et reviendront dans son giron. Si un autre référendum devait avoir lieu un jour, ce devrait être sur l’article 49 (adhésion à l’UE) et non sur l’article 50 (séparation d’avec l’UE).
Quid d’un deuxième référendum ?
Le premier référendum est à l’origine de la crise profonde actuelle. Un deuxième référendum ne ferait que l’aggraver. Les députés qui imposeraient aux malheureux citoyens la responsabilité d’une décision qu’ils sont incapables de prendre eux-mêmes au sein du Parlement seraient des individus sans vergogne ou stupides, voire les deux. Les pseudo-solutions simplistes doivent être évitées.
Par ailleurs, la dissolution du Parlement est-elle une piste sérieuse ?
Une élection générale dans les circonstances actuelles serait inutile. Aucun parti national traditionnel ne saurait quoi mettre dans son manifeste. Ni May ni Corbyn ne jouissent d’une confiance suffisante au sein de leur propre parti pour rester ou devenir Premier ministre. Le taux de participation serait faible et la colère dans les rues élevée.
Pensez-vous que la crise du Brexit révèle une crise structurelle ou ne relève que du référendum de 2016 ?
Les deux. Le fait que le Parlement britannique ait eu recours à un référendum en 2016 relève d’une erreur historique commise de son plein gré ! Mais cette fuite en avant était déjà révélatrice de l’état de faillite de la politique des partis britanniques et de son Parlement non réformé.
Concernant la démocratie britannique post-Brexit, pensez-vous possible un basculement politique du même ordre que celui incarné par Emmanuel Macron en France ?
La crise a donné une voix forte au nationalisme anglais de droite. Il a également mis en lumière l’anachronisme des travaillistes et la faiblesse des forces « proeuropéennes » classiques (mais antifédéralistes…) – tels les libéraux-démocrates – au Royaume-Uni.
Ce pays n’est pas la France. Sans élection présidentielle et sans représentation proportionnelle des partis au sein du Parlement britannique, il est impossible pour de nouveaux mouvements politiques d’émerger rapidement, comme cela a été le cas pour La République en marche d’Emmanuel Macron.
À moins d’une réforme électorale des Communes, les deux principaux partis de droite et de gauche sont condamnés à rester des « coalitions impies » et dysfonctionnelles entre des politiciens qui se détestent et aux points de vue totalement incompatibles sur l’Europe.
Propos recueillis par Henri Lastenouse.