Lettre de Paul à Tite 2, 11-14 ; 3, 4-7
Bien aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.
Lorsque Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde. Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, rendus justes par sa grâce, nous devenions en espérance héritiers de la vie éternelle.
La gratuité du don
Avant de lire le commentaire ci-après, je vous conseille de lire, de relire, le texte de Paul à son ami Tite, probablement considéré déjà, 65 après J.-C., comme évêque en Crète. Savourez-le lentement, comme si cette lettre vous était envoyée, aujourd’hui, personnellement.
À la première ligne du texte, on lit : « la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes », donc pour vous, pour moi, pour « tous les hommes ». Non pas parce que nous serions des gens parfaits, parfaitement saints et plus encore. Non, nous sommes des pécheurs, nous le voyons bien d’une façon ou d’une autre. Et si nous regardons lucidement le monde, celui d’hier comme le nôtre aujourd’hui, nous ne pouvons que constater combien nous sommes chargés d’« impiété » et de « convoitises ». Allons-nous perpétuellement nous désoler, « nous revêtir de sacs et de cendres » (Is 58, 5) et battre notre coulpe, chargés par une honte indéfinissable de nous-mêmes ? Devons-nous mourir de désespérance parce que nous ne sommes bon à rien ? Nous sommes appelés « à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété ». Que nos jours soient paisibles, dans la joie de bâtir aujourd’hui, non pas un monde parfait, mais un monde plus juste, malgré les horreurs et les drames que nous constatons. Des jours paisibles, malgré nos imperfections et nos péchés. Marchons la tête haute, la joie de vivre acteurs de notre vie et de celle de tous nos frères et sœurs, bons ou méchants comme nous le sommes : qu’importe ! C’est maintenant, aujourd’hui, que se joue notre rôle sur cette terre, notre avenir pour les années à vivre ici-bas. Déployons nos ailes pour accomplir au mieux les qualités que nous portons, pour développer humblement et efficacement nos richesses, pour participer à la création d’un avenir et d’un présent heureux pour tous, « avec justice et piété ».
Mais alors, direz-vous, tout homme normalement constitué éprouve le désir d’une vie paisible. Quelle différence entre le croyant et l’autre, qui ne croit ni à Dieu ni à diable ? Oserais-je le dire ? Aucune. Notre avenir au-delà des limites de notre univers connu échappe à notre intelligence et à nos pauvres expressions humaines. Nous attendons, nous croyants, « que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ ». Quelle est-elle cette bienheureuse espérance, cette manifestation de la gloire ? Qui la démontrera, cette gloire ? « Il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. Il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde. » Nous le croyons parce que des témoins « ont vu et cru et entendu » (Jn 20, 29).
Ce salut promis, cette espérance, c’est gratuitement qu’ils nous sont offerts. Ce n’est pas parce que nous avons bien agi durant notre vie, parce que nous avons mené une vie droite et sans faille ou presque, que nous sera donnée la joie « éternelle ». Avec Dieu, ce n’est pas du donnant-donnant. N’ayons pas l’orgueil de penser que nous participons par nos actes à notre salut. C’est le don de Dieu en Jésus le Christ, homme comme nous (Noël), souffrant comme nous, jusqu’à la mort (la Croix), et victorieux de la mort (Pâques), qui nous élève avec lui jusqu’à l’Infini (au-delà de toute compréhension). Ce n’est pas parce que nous aurons été « gentils et bons » sur terre que cette éternité (au-delà de toute compréhension) nous est acquise. Tout homme, toute femme est rendu·e juste par sa grâce, tous nous devenons « héritiers de la vie éternelle ». Nous n’acquérons pas notre qualité d’enfants de Dieu, elle nous est donnée, au-delà de toute compréhension.
Que cette année nouvelle nous ouvre à l’espérance : annonçons-la au monde qui meurt dans son désespoir.
Bernard Rivière
Photo : Ryk Neethling (CC BY 2.0)