Les « Messieurs » objets de son ire sont ceux-là mêmes qui ont laissé venir à certains des leurs les petits enfants et se sont voilé la face. Ils ont rompu le commandement explicite de Jésus-Christ d’interdire l’appellation de père, maître, seigneur ou abbé (de l’araméen « abba », père) et se sont empressés de s’affubler des titres proscrits : monseigneur, père, voire saint père pour le pape (cet ajout de la sainteté – dont nul ne devrait se revendiquer de son vivant ! – relève d’ailleurs du pléonasme). Ils se sont rendus complices de crimes et délits en détournant le regard du scandale provoqué par une sexualité monstrueuse et immature de quelques clercs tout en nous culpabilisant sur nos mœurs les plus intimes, nous vouant à l’opprobre pour cause de divorce, de sexualité hors mariage ou d’usage de moyens contraceptifs… « Hypocrites », leur dit l’auteure, « comment avez-vous osé ? »
Ceux qui verront dans ce texte un réquisitoire se tromperont. Il s’agit d’un chant d’amour dans la plus parfaite tradition des psaumes d’imprécation. D’un amour pour ce Jésus pris en otage par quelques pervers dont le pape dit qu’ils ont pu prospérer dans et à cause du cléricalisme. Et, quand l’amour est blessé, le cri du cœur remonte jusqu’au seul Père, celui de Jésus et de ses frères, c’est-à-dire de nous tous. Malheur à ceux qui refusent de surveiller alors que leur attribut « épiscopal » signifie littéralement « avoir l’œil sur » ! Malheur à ceux qui couvrent le mal et détournent l’Église de sa mission en y accaparant le pouvoir au lieu de convoquer un peuple de frères (ecclesia).
Avec l’érudition qu’on lui connaît, son ancrage solide comme le roc dans une immense culture biblique et ecclésiale, l’auteure lance un appel à lire absolument.
Bertrand Rivière
Qu’avez-vous fait de Jésus ? Les silences coupables de l’Église, Christine Pedotti, Albin Michel, 180 p.
Dans la lettre du 10 janvier, TC proposera à ses lecteurs et lectrices d’acheter un ouvrage dédicacé.